La démolition de l’ancienne estacade des Mariniers rétablira des vues sur la Seine parmi les plus belles de cette boucle de Gennevilliers. © DR
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HUIT GRANDS PROJETS POUR RENDRE LE FLEUVE AUX HABITANTS

À horizon 2030, le Département va aménager plus de huit kilomètres de berges de Seine, venant ainsi prolonger la Promenade Bleue initiée il y a près de vingt ans et offrir de nouveaux espaces de nature aux Alto-Séquanais.

Les Hauts-de-Seine ont longtemps tourné le dos au fleuve qui les façonne sur 66 kilomètres, si ce n’est pour installer sur ses rives des activités tirant parti de la proximité de l’eau. Ces berges devenues inaccessibles aux habitants, occupées par des usines, zones d’activité ou 2×2 voies, retrouvent peu à peu leur aspect naturel. Depuis 2006, la Promenade Bleue fédère, autour du Département, les dix-sept communes riveraines et les acteurs de la voie d’eau (VNF, Haropa…) en vue d’élaborer un parcours sans discontinuité de 39 kilomètres d’Issy-les-Moulineaux à Rueil en empruntant les deux rives et les îles. Après les quelque 16 kilomètres menés à bien depuis 2006 (en plus des 13 préexistants), huit nouveaux projets pour 8,2 kilomètres cumulés marquent un nouveau cycle, adossé à l’Agenda 2030 et au Schéma d’aménagement des berges de Seine de 2022. « La reconquête des berges est très attendue par les Alto-Séquanais et il est nécessaire de saisir toutes les opportunités d’intervention, rappelle Georges Siffredi. Ce projet s’appuie sur une vision partagée de la mixité des usages qui doivent intégrer les nouveaux enjeux environnementaux, économiques ainsi que les nouvelles pratiques et attentes des habitants. » Ces aménagements, avec un concours des villes de l’ordre de 20 à 30 %, viennent répondre à un besoin criant de nature et sont reliés dès que possible à la trame verte des parcs, de manière à former un seul et même « grand parc des berges de Seine ». À l’abri de la rumeur urbaine, ils invitent tout un chacun à se promener, à pied ou à vélo, à faire du sport, à se ressourcer et se rafraîchir auprès du fleuve, au contact vivifiant de ses grands paysages ouverts.

 

Deux « salons » sur la Seine enserrant un jardin flottant surviendront dans l’axe du parc de Bécon de la façon la plus poétique qui soit.© DR

Promenade flottante

Affichant près de dix kilomètres de Rueil-Malmaison à Colombes, un record, la Promenade progresse « façon puzzle ». À Courbevoie, dans le prolongement du réaménagement de l’ancien port en 2013, le cheminement est en passe de se poursuivre sur 550 mètres quai du Maréchal-Joffre. « Nous allons élargir la promenade actuelle, très exiguë, pour atteindre un peu plus de 2,60 m de large grâce à un système en encorbellement, explique Nicolas Chevallier, chef de l’unité « travaux Seine » à la Direction de l’eau. On lévitera en quelque sorte au-dessus du perré. » Cinq « respirations » offrant, ici des agrès sportifs, là des transats ou des tables en damier pour les jeux de société, animeront la déambulation… « Rotule » du projet, le parc de Bécon sera relié aux berges par une traversée sécurisée de la RD 7, tandis qu’à ce point du parcours, une placette donnera accès à deux salons suspendus surplombant un jardin flottant. Plus en aval, entre les ponts d’Asnières et de Clichy, cette fois le projet « marche sur l’eau » ! « S’écarter des berges donne l’opportunité de repenser leur traitement en amplifiant la dimension écologique. Des zones de faible profondeur, propices au développement d’herbiers aquatiques et semi-aquatiques, seront créées, qui seront aussi de potentielles zones humides et de frai pour les poissons. » Au deux tiers flottant, cet itinéraire sur le fleuve, ouvert aux personnes à mobilité réduite, s’adaptera à ses fluctuations. Un juste retour des choses, sachant que cette portion de berges est issue du remblai d’un ancien bras de Seine ayant fait disparaître deux îles et naître le parc Robinson.

 

aménagement après aménagement, le fleuve reprend un aspect plus naturel.

Génie des berges

Aménagement après aménagement, le fleuve endigué et comme empêtré dans son lit reprend un aspect plus naturel. Au sein du parc départemental de Chanteraines, l’estacade des Mariniers est l’un de ces vestiges de la « Seine industrielle » dont la démolition prochaine rétablira le « contact terre-eau » et la biodiversité. Le cheminement sur 500 mètres, en lieu et place de l’ouvrage en béton, offrira une vue panoramique sur l’île Saint-Denis, parmi les plus belles de cette boucle de Gennevilliers. Le projet prévoit aussi la création d’une base nautique pour les sportifs… Un même impératif de renaturation inspire le réaménagement de l’Île Seguin, au pourtour de La Seine Musicale. Derrière l’ancien rideau de palplanches (soutènement en acier, Ndlr), en partie arasé, les techniques de génie végétal introduiront « un cortège de plantes proche de ce que l’on peut trouver à l’état naturel, assez remarquable dans un tel contexte urbain ». La déambulation sera ponctuée de promontoires, postes d’observation des rives de Boulogne et de Meudon, et empruntera une galerie couverte embellie pour aboutir, à la pointe aval, sous la sculpture monumentale de Kohei Nawa, Éther. À cet endroit, la confluence procure une vue à 180 degrés.

À un pont de là, celui de Sèvres, le parc nautique départemental de l’Île de Monsieur, né en 2006 d’une friche industrielle, incontournable en val de Seine pour l’aviron, le canoë-kayak et la voile pourrait bien devenir, avec le soutien de la ville, le premier site alto-séquanais de baignade en eau libre à horizon 2029-2030, les contours du projet restant à définir (lire notre article en pages 28) : « Des études de trajectographie doivent être menées pour minimiser le risque vis-à-vis de la navigation, et les autres activités de loisirs ne devront pas être entravées », indique Nicolas Chevallier. Cette baignade saisonnière surveillée réclamera des aménagements de type ponton, vestiaires, sanitaires, douches… tandis que des espaces de détente et de restauration pourraient lui être associés.

Les espaces publics et les grands axes routiers longeant la Seine sont intégrés à de telles opérations dès que cela s’y prête. C’est la configuration retenue quai Georges-Gorse (RD1) à Boulogne-Billancourt sur 1,3 kilomètre, à quelques encablures du port Legrand réaménagé en 2023, ainsi qu’entre les ponts de Saint-Cloud et de Suresnes dans le prolongement de Vallée Rive Gauche, projet fondateur en 2018 qui vit la métamorphose de 4,2 kilomètres et 20 hectares à Issy-les-Moulineaux, Meudon et Sèvres. Ici la RD 7 sera requalifiée sur 3,3 kilomètres en contact avec la place Clemenceau, esplanade du futur musée du Grand Siècle ; les piétons bénéficieront de larges trottoirs et les cyclistes d’une piste bidirectionnelle, le cheminement en bord de fleuve dégageant des vues sur le bois de Boulogne.

 

À Asnières-sur-Seine, une spectaculaire promenade sur l’eau, en grande partie flottante, libérera de l’espace sur les berges qui pourront être renaturées.© DR

Balades participatives

La huitième opération porte sur les quais Gallieni et De-Dion-Bouton à Suresnes et Puteaux, en passant par l’écluse de Suresnes où les manœuvres des péniches assurent l’animation – le caractère paysager de la RD 7 excluait ici une refonte d’ensemble comme en amont. Passé l’ouvrage hydraulique, une emprise confortable de 4 000 m2 permettra l’avènement d’un nouveau jardin en face de l’île de Puteaux, havre de paix connecté aux deux centres-villes denses : « Des traversées piétonnes et de la signalétique seront créées pour que les gens puissent se rendre plus facilement sur les berges », précise Nicolas Chevallier. Par le jeu de ces différents aménagements rive gauche, le parcours sera d’un seul tenant des portes de Paris au quartier d’affaires.

La volonté du Département pour cette nouvelle génération de projets est d’associer davantage les habitants. À Asnières-sur-Seine, la concertation publique de fin 2022, outre la classique réunion, s’est traduite par un atelier participatif et trois « débats mobiles » au marché des Victoires et à la gare. Deux balades urbaines inédites ont aussi été proposées en janvier 2024 le long des quais de Suresnes et de Puteaux pour « prendre le pouls et connaître plus précisément les attentes du public ». Les remarques consignées dans un carnet et en ligne montrent « un engouement des futurs usagers » et seront communiquées aux lauréats du concours de conception. 

Pauline Vinatier

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