Unique en son genre, le Domaine départemental, à cheval entre Vaucresson et Marnes-la-Coquette, permet d’ouvrir le monde équestre à tous les publics.
Dépositaire d’un passé glorieux, il sait jouer de ce charme à la fois rustique et précieux, apprécié été comme hiver, à cheval… comme à pied. « Le Domaine départemental du Haras de Jardy, c’est une promesse de nature aux portes de Paris, une échappatoire à la frénésie de la ville, un parc tranquille, où la présence du cheval vient donner un but à la promenade », explique Emmanuel Feltesse, son directeur depuis 1988. Propriétaire du haras de Bel-Ébat, à La Celle-Saint-Cloud, Edmond Blanc jette son dévolu sur ces terres forestières à l’aube du XXe siècle. Faisant peu de cas de son prieuré médiéval, cet éleveur de chevaux de course amorce alors un filon équestre ininterrompu depuis lors. « Le site de Jardy est aujourd’hui unique en son genre, poursuit son directeur. D’abord gestionnaire sous convention, puis propriétaire des lieux, le Département a su transformer cet élevage en un centre équestre au cœur d’un parc départemental, en lien avec sa politique sportive et d’accueil de tous les publics. » Foulées dès l’aube par les joggeurs, ses promenades gardiennées prennent, à la belle saison, comme un air de Partie de campagne. Sous la fraîcheur de ses marronniers, aujourd’hui centenaires, les flâneurs viennent lire, étendre une nappe de pique-nique ou tâter la balle entre amis. Sans oublier de caresser à leur passage un cheval qui s’acagnarde dans ses quartiers, l’encolure par-dessus la clôture. « Ce sont les anciennes écuries de Marcel Boussac, je ne connais pas d’endroit semblable à mille lieux à la ronde ! », dit Élisabeth, flanquée de sa petite-fille. Adèle, deux ans et demi, avise quelques brins de paille et, « la main bien à plat », vient nourrir la fringale de Cerise, une douce jument baie. Entre elles, la magie opère…
Espace naturel sensible
« Le parc est un lieu en libre accès, que l’on peut parcourir à pied comme à vélo, à poussette comme à cheval, précise Emmanuel Feltesse. La majesté des lieux, combinée au respect qu’impose l’animal, garantit une cohabitation apaisée et respectueuse entre l’ensemble des usagers. » Élevé dans un des plus grands massifs boisés des Hauts-de-Seine, classé espace naturel sensible, le Haras est voisin de la forêt de Fausses-Reposes, qui s’étend jusqu’au parc de Saint-Cloud. Labellisés EVE par l’organisme indépendant Ecocert, ses 70 hectares de terres bannissent les pesticides, qu’il s’agisse de son golf ou de ses prairies, ensemencées sur une couche de terre végétale, masquant un sous-sol calcaire. Une gageure pour le centre équestre : « La qualité des terres et de l’herbe est primordiale pour les cavaliers et leur monture, explique Esther Tiertant, responsable événementiel au Haras de Jardy et cavalière de concours complet. Pour cette discipline, les paddocks sont convertis en terrains de cross. Tout doit être surveillé, du risque de glissade à la mollesse du terrain, cruciale pour ménager les articulations des chevaux, qui restent des athlètes de haut niveau. Cela suppose un grand savoir-faire et une bonne dose d’entretien. » Premier centre équestre de France, par le nombre de licenciés, le Haras de Jardy est aussi le premier organisateur français d’événements, en nombre de journées. La saison des compétitions, qui débute en mars pour s’achever en octobre – après un intermède estival – est rythmée par des événements majeurs à portée nationale (finale du championnat de France de horse-ball, du saut d’obstacles et du concours complet) et internationale (Coupe des nations). L’échelon local n’est pas en reste avec, entre autres, le Grand Prix du Département des Hauts-de-Seine : organisé chaque année, il encourage la pratique sportive dans le cadre de la Journée du Cheval, la grande kermesse équine et conviviale du mois de septembre.
La « Cour des 49 »
Mettant à profit sa proximité avec le château de Versailles, hôte des épreuves olympiques d’équitation, le Haras de Jardy vibrera bientôt à l’heure des Jeux, en accueillant des équipes étrangères en préparation, une « fan-zone » et, en avant-goût de l’événement, une étape du relai de la flamme olympique dans les Hauts-de-Seine. « Jardy est un site fédérateur, qui vise à rassembler toute la filière équestre départementale et même au-delà, régionale, explique son directeur. Près de 3 000 cavaliers montent chaque semaine dans notre structure généraliste, qui propose aujourd’hui une douzaine de disciplines sur la trentaine reconnues par la fédération. » La qualité de ses infrastructures, qui mêlent trois manèges à quatre carrières – dont une aux dimensions olympiques – permet de panacher les activités pratiquées (pony-games, horse-ball, barrel race…), si bien qu’à l’échelle d’une vie à Jardy, le cavalier peut adapter sa pratique au gré de ses envies. Bâti dans un style anglo-normand, la majeure partie du site, tel qu’il nous est parvenu, reste marqué du sceau d’Edmond Blanc et des cours d’entraîneurs de Chantilly – sa source d’inspiration. Centre névralgique et historique du Haras, la « Cour des 49 » héberge, comme les autres écuries, des chevaux de selle et de loisirs, placés dans ses 49 boxes par affinité de tempérament. Investissant les abris pendant l’hiver, les animaux sont, le reste de l’année, mis au vert pour combattre la fonte musculaire ou récupérer d’un Grand Prix. Ils s’emparent alors de la vingtaine de paddocks du site, parsemé à sa périphérie de sept pavillons à colombages, au nom évoquant son passé agricole et pastoral : les pavillons aux Bœufs, du Prieuré ou du Charretier côtoient ainsi le pré de la Laitière, sis au bout du chemin de la Faisanderie…
Des métiers du « bien-être »
Le cheptel départemental, qui comprend quelques pur-sang et chevaux arabes, est dominé par le selle français, robuste et calibré pour le saut d’obstacles. Un atout pour le centre de formation en apprentissage (CFA) qui, hébergé au cœur même de Jardy, diversifie encore un peu plus son public. « Allant du poney Shetland au cheval de compétition quatre étoiles de complet, la cavalerie permet d’apporter compétences et expérience à nos élèves, souligne Sarah Briest, coordinatrice du CFA, qui propose des formations diplômantes d’animateur, d’enseignant et d’entraîneur équestres. Aujourd’hui orientés vers le bien-être, nos métiers suivent la charte du cavalier développée par la fédération, qui met l’accent sur le soin du cheval, comme le respect de ses besoins sociaux ou la préservation de son environnement. » Enserré entre le pré des Vaches et celui de la Barre, au sud des îlots historiques, le poney club propose de son côté l’expertise de ses enseignants à près de 1 600 enfants et adolescents. Parmi eux, les publics relevant des solidarités, comme les bénéficiaires de l’Aide sociale à l’enfance, ont vocation à partager les bienfaits de l’équitation. « Avec les jeunes les plus fragiles, l’animal travaille pour nous, explique Océane Turostowski, responsable du poney club. Il dégage de lui-même un je-ne-sais-quoi qui impose bienveillance et discipline. Ces initiations permettent de leur faire gagner en confiance, en maturité, tout en passant un bon moment, en associant travail monté et exercices de voltige. »
Le pouvoir thérapeutique du cheval fait merveille avec les personnes en situation de handicap.
Valoriser l’« équi handi »
Le pouvoir thérapeutique du cheval fait aussi merveille avec les personnes en situation de handicap physique ou mental. Avec le soutien du Département, 400 heures d’initiation inclusive sont dispensées chaque semaine au haras. « Le premier intérêt est de leur faire découvrir une activité de plein air, explique le moniteur Martin Boucly, détenteur du brevet fédéral d’« équi handi ». L’équitation adaptée permet aux jeunes et adultes souffrants de troubles mentaux de développer leur sensibilité, leur psychomotricité et même leurs capacités relationnelles à l’approche et au contact de l’animal. Au fil des séances, on les voit s’épanouir, parvenir à se repérer dans l’écurie et retrouver leur poney pour le brosser et l’équiper. » Une cavalerie docile et « désensibilisée aux gestes brusques » est mobilisée pour plus de sécurité. Bombe vissée sur la tête, la jeune Léa, 8 ans, ose aborder les 150 kilos d’un poney à la robe marron glacé. Pour elle, c’est le début de toute une aventure : « Cette petite a très peur des animaux, explique Leila Krid, psychomotricienne à l’Institut médico-éducatif des Cerisiers de Rueil, qui participe depuis dix ans à ces activités d’« équi handi ». Comme d’autres, elle appréhende la montée sur le poney… Alors pour commencer, on caresse l’animal, on l’explore en se concentrant sur son regard et en tâchant de verbaliser au maximum cette expérience. » Comme n’importe quel enfant, Léa sera bientôt bluffée de voir un camarade monter avant elle et voudra en faire de même… « Quatre-cents jeunes, aidés d’éducateurs spécialisés, goûtent chaque semaine aux joies de l’équitation, explique Emmanuel Feltesse. C’est la volonté du Département d’accueillir tous les publics qui prend là sa meilleure expression. » Et une vocation, celle de « transformer en cavalier tous les piétons. »
Nicolas Gomont