Avec le dispositif départemental MéDDailles, les établissements du territoire rivalisent d’inventivité. Lors de la dernière année scolaire, deux d’entre eux ont conçu des livrets, remplis d’astuces et/ou invitant les collégiens à modifier leurs comportements.
De l’avis général, les affiches placardées dans les couloirs de Lakanal, à Colombes, ne portaient pas assez auprès des autres élèves. « On a voulu créer une version de nous écologique », résume Louise à propos du guide réalisé par les éco-délégués. Aux 3e et 4e, les astuces et bricolages zéro-déchets, aux 5e les recettes écolo, aux 6e une sélection de livres à retrouver au centre de documentation et d’information (CDI). Professeurs de SVT et référentes « éducation au développement durable » (EDD), Béatrice Fenneteau et Marine Roignant coordonnent et assurent la mise en page sur le logiciel Canva. Semaine après semaine, les contributions se sont accumulées dans les casiers numériques sur Pronote et un point s’impose. « Appropriez-vous ce que vous trouvez sur internet en fonction de l’usage que vous voulez en faire. Il faut que cela soit concret », leur demande Marine Roignant. Elle leur suggère d’ajouter des QR codes pour illustrer leurs astuces – comme la fleur réalisée avec un rouleau de papier toilette de Sacha – ou de voir à la maison ce que valent leurs idées de recettes zéro-déchets – par exemple, le gâteau aux épluchures de courgettes, les candidats ne se bousculent pas ! Le pique-nique spécial « sorties scolaires » de Louise a, lui, été mûrement réfléchi : « Au départ, la garniture du sandwich était à base de pommes de terre, mais finalement je conseille d’utiliser les restes du frigo, c’est plus écolo ». En fin de livret, la page ludique est occupée par les mots croisés de Raphaël et un QR code renvoie vers le Jeu des 7 familles d’Anaïs. Pollution, énergies renouvelables, eau, déplacements… ces 5e qui balaient à deux de nombreux enjeux ont veillé à clarifier aussi bien les contenus que l’expression pour « être accessible aux autres collégiens », précise Anaïs. Succédant à la collecte de bouchons et de denrées alimentaires, au tri à la cantine et au compostage, ce projet détonne. « Il implique un gros travail documentaire et collaboratif, surtout pour les 6e qui ont dû faire le tri parmi des centaines de références au CDI, dit Béatrice Fenneteau. Pouvoir le présenter aux MéDDailles est motivant et valorisant pour eux. »
OBJECTIF : ÉCO-COLLÈGES
Chaque collège pouvait présenter jusqu’à trois projets à partir des dix thématiques proposées. « Le dispositif monte en puissance. Avec cent trente projets pour cinquante collèges, on a quasiment doublé la mise en deux ans », constate son responsable au Département, Abdelkrim Ghaib. À horizon 2030, l’objectif est de faire de tous les collèges du territoire des « éco-collèges ». À ce jour ils sont 70 sur 133 (publics et privés sous contrat confondus) à avoir impliqué leurs élèves, à travers MéDDailles ou tout autre dispositif, sur les enjeux du développement durable. « La notion est entendue de façon systémique. Elle n’est pas cantonnée aux questions de biodiversité ou de déchets mais englobe aussi les solidarités, le civisme, la gouvernance… car prendre soin de la planète, c’est aussi prendre soin des gens qui la composent, précise Abdelkrim Ghaib. Nous nous inscrivons dans la dynamique de l’agenda 2030 départemental » (qui décline sur le territoire les 17 objectifs de développement durable onusiens, Ndlr). Au collège des Renardières de Courbevoie, les éco-délégués, accompagnés par la conseillère principale d’éducation et par le responsable EDD, ont opté pour la thématique « bien-être », peu explorée jusqu’ici. Un sondage sur Pronote, auquel 75 % des 475 élèves ont répondu, les a mis sur cette piste. « Les sondés n’étaient pas très confiants en eux-mêmes et assez négatifs, expliquent Nalha, Claire, Isaé et Lina. On a voulu leur montrer qu’ils n’étaient pas les seuls à ressentir cela. » La CPE, Stéphanie Irigoin, connaissait cette réalité, a fortiori depuis une enquête officielle remontant à 2022. « La santé mentale se dégrade, surtout depuis le Covid. Cette enquête a mis en évidence un malaise, les résultats sont proches de ceux des autres établissements de Courbevoie, s’inquiète-elle. Ce projet est d’une certaine façon une réponse. »
Le journal du collège a inspiré les participants qui ont structuré leur livret par une série d’interviews. Page après page, les lecteurs retrouveront des têtes bien connues qu’ils pourront aller trouver si besoin. En ouverture, l’« état des lieux » général avec l’infirmière scolaire Amane Akrafi amène les rappels nécessaires. « À notre âge, on est censé dormir entre neuf et dix heures par nuit, je ne suis pas certaine d’avoir mon compte », remarque Claire. Puis la sophrologue Frouhid Baghaie, que la CPE fait intervenir auprès des troisièmes pour les détendre avant le brevet, explique pourquoi sa discipline peut aider contre le stress et Lucas Parvery, professeur d’EPS, revient sur les fondamentaux de l’activité physique, interrogé par Léo et Gabriel. « On a essayé d’être concrets, précis et d’aborder beaucoup de sujets en peu de questions », expliquent-ils à propos de leur technique journalistique. Enfin, le responsable EDD Gérald Jean-Louis vante l’alimentation saine et les circuits courts, qu’il expérimente dans le potager de l’établissement. À chacune des thématiques sont associées des pistes de mise en pratique (rubrique : à toi de jouer) et des liens web (rubrique : pour aller plus loin). « J’ai retenu des vidéos fiables, repostées par des médias ou certifiées, qui entraient dans le vif du sujet mais sans pour autant être anxiogènes », explique Hadrien, chargé de ce travail de fourmi. Œuvre d’Adriana, la couverture arbore trois renardeaux et un titre en forme de slogan : « Bien dans mon assiette, bien dans mes baskets, bien dans ma tête ». Le livret, mis en forme par la CPE, sera diffusé sur les espaces numériques et au CDI.
DU BRONZE À L’OR
Ces travaux ont valu aux Renardières et à Lakanal une médaille d’or et d’argent à accrocher au tableau d’honneur à l’entrée du collège, déjà bien garni. « Avec MéDDailles, toutes les actions sont valorisées, rappelle Abdelkrim Ghaib. Ce n’est pas un concours mais un dispositif qui met l’accent sur l’engagement des jeunes et sur les actions concrètes menées au sein de l’établissement. » Le degré de valorisation s’accentue en fonction de l’impact, avec un métal allant du bronze à l’or pour les projets les plus pérennes, et en fonction de la portée de l’action au sein du collège, répercutée par un cerclage allant du simple au triple. Ainsi, « un projet en place depuis plus de trois ans et qui implique l’ensemble de l’établissement, les élèves mais aussi le corps enseignant, est considéré comme ayant le plus d’impact. » En juin, la journée festive de restitution à La Seine Musicale, en présence de 600 participants, a coïncidé avec le prix du jury pour douze collèges ayant choisi de défendre un projet, avec, à la clé, un chèque de 5 000 euros. « C’est une sorte de concours d’éloquence qui les encourage à travailler sur leur aisance à l’oral », explique le responsable des MéDDailles. Chaque établissement était représenté par quatre élèves. À Lakanal, ces orateurs ont été désignés par tirage au sort et aux Renardières, il a fallu en passer par une audition au terme de laquelle Nahla, Claire, Anne-Sophie et Eileen ont été propulsées porte-parole. « On leur a demandé d’apprendre l’ensemble du texte afin qu’elles puissent s’aider mutuellement en cas de trou de mémoire », raconte la CPE. Le grand jour, dans l’auditorium, assistaient à leur prestation une foule de collégiens et un jury d’élus, d’experts du Département, de représentants de l’Éducation nationale et associatifs. Grâce au bagout de ces 5e, à leur livret bien ficelé et aux questions de bien-être abordées sans tabou, les Renardières repartent avec le « Coup de cœur de l’originalité ».