Avec ses pavillons aux toits pentus, l’architecture du futur foyer s’inspire de l’image d’une maison « vue par des yeux d’enfant. » Image : © Tolila+Gilliland
Posté dans REPORTAGE

UNE PREMIÈRE ÉTAPE POUR LA MAISON DE L’AVENIR

À Nanterre, ce nouvel établissement départemental placé sous l’autorité scientifique du professeur Marcel Rufo, associant prise en charge éducative, médicale, culturelle et sportive, a pour ambition l’épanouissement des 11-18 ans confiés à la Protection de l’Enfance. Son annexe de préfiguration ouvre en septembre.

Par Pauline Vinatier

C’est la première d’une série de maisons destinées à former, à l’horizon 2026, un seul et unique établissement afin d’accompagner soixante-neuf jeunes vers la réussite grâce à un accompagnement pluridisciplinaire : la Maison de l’Avenir. Le pavillon du Midi, rénové de fond en comble, ouvre en cette rentrée en préfiguration du site principal, à deux pas de là, avec lequel il fonctionnera en lien étroit. « Cette préfiguration, qui nous laisse deux ans, va permettre de faire évoluer le projet si nécessaire et de nouer des partenariats avec les infrastructures sportives et culturelles avoisinantes de cet établissement qui s’inscrit au cœur de la ville », explique Hector Raffaud, responsable de ce projet qui a mobilisé les expertises conjointes des directions des Solidarités et des Bâtiments du Département. 

Les jeunes protégés au titre de l’Aide Sociale à l’Enfance ne débutent pas dans la vie de la meilleure des manières, constat simple qui a présidé à la création de cette Maison de l’Avenir : « Par leur trajectoire ou leur environnement familial, ces jeunes souffrent souvent d’une absence d’investissement dans leur parcours scolaire et, par ricochet, professionnel », précise Hector Raffaud. Les jeunes admis sont choisis en fonction de leur potentiel ou de leur talent dans un domaine donné, mais aussi de leur implication et de leur volonté de réussir. L’enjeu est de leur permettre de s’épanouir pleinement et de se réaliser, en les accompagnant sur le plan socio-éducatif mais également en les éveillant aux sports, à la culture, à l’art ou plus généralement à la citoyenneté. Inspirateur de lieux inédits en leurs temps, aujourd’hui reconnus, le pédopsychiatre Marcel Rufo (voir notre entretien) apporte son expertise à ce projet répondant à « l’exigence d’innovation des Hauts-de-Seine », selon le président Georges Siffredi.

 

Dans un pavillon de ville rénové, la préfiguration de la Maison de l’Avenir accueille à partir de septembre dix-huit premiers jeunes.© barre bouchetard architecture – B2A

FOYER FAMILIAL

Gestionnaire retenu, le Groupe SOS Jeunesse, l’un des principaux acteurs associatifs de la protection de l’enfance en France, enclenchera dès cette rentrée une dynamique de remobilisation scolaire avec les dix-huit premiers arrivants (huit internes et dix externes, en mesure éducative à domicile, suivis en soirée, les mercredis et week-ends). Des moyens spécifiques sont dévolus à ce volet. En plus de l’accompagnement socio-éducatif classique, seront ainsi prévus du soutien scolaire, de la pédagogie de projet et du tutorat. Outre un responsable pédagogique, interviendront des éducateurs scolaires et un enseignant pour assurer la continuité des apprentissages et parer aux décrochages. « Ces équipes s’impliqueront dans le parcours scolaire, en interagissant avec les enseignants de l’Éducation nationale, comme le font habituellement les parents. » ajoute Hector Raffaud. Ceci dans une maison de ville reproduisant les caractéristiques d’un foyer familial, avec un jardin et une dépendance pour les activités socio-culturelles, leur offrant un cadre et des repères stables.

Sur le site principal, les travaux débuteront l’année prochaine. Visibles de la rue, les trois pavillons bardés de bois du futur centre d’hébergement tiendront lieu de manifeste architectural, accueillants et chaleureux à l’image du projet. « C’est une reprise archétypale de la maison comme un enfant la dessinerait, avec le toit en pente, les fenêtres et la cheminée, explique Gaston Tolila, architecte associé chez Tolila + Gilliland. À l’opposé de l’image un peu datée de l’internat, il fallait que l’architecture participe à la sensation d’un lieu hospitalier qui puisse être un nouveau foyer. » Dotée d’une entrée indépendante, chacune de ces « unités de vie », abritera huit chambres individuelles, un grand salon, une cuisine, une salle à manger et un jardin côté rue… À l’arrière, face aux immeubles du quartier, courra le bâtiment tout en long destiné aux services de la Maison de l’Avenir et à l’accueil de jour : cuisine, salles d’atelier et de consultation, bibliothèque… Desservi par une « rue intérieure » baignée de lumière, ce bâtiment ouvre sur un jardin collectif alternant ambiance potagère, sportive ou contemplative… « L’idée était de sortir de la boîte blanche proposée dans les lieux de soins, anonyme et très répétitive, et d’aller vers des espaces ouverts et lumineux, en utilisant des matériaux naturels provenant de filières courtes. » Le bois est présent en structure, pour l’isolation, les cloisons et l’habillage extérieur. Les briques de terre crue et bas carbone, issues du recyclage de déblais de chantier, habillent le hall d’accueil. Ces matériaux « dont on peut ressentir la présence apaisante, l’odeur du bois, la chaleur de la terre sur le mur », ont déjà fait leurs preuves sur d’autres sites. Alimenté par les énergies renouvelables, le bâtiment est rafraîchi ou réchauffé par un puits canadien puisant l’air en sous-sol à une température constante de 13°C, augmentée l’hiver par des pompes à chaleur. Les eaux de pluie sont, elles, intégralement récupérées ou infiltrées dans le sol. Ce projet, dont l’esthétique participe du soin, répond en même temps aux exigences du référentiel de qualité environnementale des bâtiments que le Département a adopté pour tous ses projets bâtimentaires. 

 

Le projet privilégie les matériaux biosourcés issus de filières locales et de récupération, durables et chaleureux.© Tolila+Gilliland
 

ACCOMPAGNEMENT PLURIDISCIPLINAIRE

Érigé à l’emplacement d’un ancien foyer de l’enfance, ce bâtiment neuf coexistera avec un pavillon et une rotonde en brique, édifices remarquables datés de 1910, restaurés et voués aux activités thérapeutiques. En plus du suivi médico-psychologique, sont envisagées des interventions autour du rapport au corps : art-thérapie, psychomotricité, sophrologie, médiation animale… Enfin s’ajouteront les activités sportives et culturelles du théâtre aux arts plastiques en passant par la musique et le journalisme. Sur le site même ou à l’extérieur, elles sont considérées comme des soins à part entière au bénéfice du bien-être global, et s’appuient sur le riche écosystème dont les Hauts-de-Seine bénéficient dans ces domaines.

Cet accompagnement pluridisciplinaire et individualisé, avec des moyens humains à l’avenant, fait la spécificité du projet. « Notre responsabilité est d’assurer la protection des enfants qui nous sont confiés, et de les accompagner vers une vie d’adulte personnellement, socialement et professionnellement stable et épanouie, rappelle Georges Siffredi. Il s’agit de porter pour ces jeunes un projet exemplaire, qui pourrait servir de modèle pour d’autres départements, tous confrontés aux mêmes problématiques. » Si elle ne donnera sa pleine mesure qu’en 2026, la Maison de l’Avenir est contenue à petite échelle dans sa préfiguration et fera dès à présent l’objet d’une évaluation. Des chercheurs suivront le parcours des jeunes pendant et après leur prise en charge. Ce travail devrait permettre d’identifier ce qui a fonctionné, d’ajuster le projet et de dupliquer les pratiques sur d’autres sites.

DONNER UNE CHANCE À CHAQUE ENFANT 

La Stratégie départementale de Protection de l’Enfance, présentée en septembre 2022, prévoit d’apporter à chaque enfant un accompagnement adapté à ses besoins. Cet objectif se traduit par la création de 600 nouvelles places à horizon 2026 (soit une augmentation de 50 % de la capacité) en réponse à des problématiques diversifiées : accueil de fratries, mineurs en situation de handicap psychique ou psychomoteur, jeunes en situation d’échec ou de rupture sociale. À ce jour, 90 % ont déjà été ouvertes (550 places au 1er juin). Outre la Maison de l’Avenir, cela se traduit par l’ouverture de petites unités de vie en semi-autonomie, comme au foyer Léopold-Bellan de Courbevoie, par la création d’un foyer dédié aux fratries à Rueil-Malmaison ou d’un Institut médico-éducatif à Villeneuve-la-Garenne. Depuis 2022, des mesures ont aussi été prises pour renforcer l’attractivité du métier d’assistant familial et soutenir les familles d’accueil (revalorisations salariales, cycles de formation pour près de 300 assistants familiaux).

Les commentaires sont fermés.