La Protection maternelle et infantile célèbre son 80e anniversaire. Sous la responsabilité du Département depuis 1983, ce rouage essentiel de la santé publique s’ancre dans le XXIe siècle.
À son 10e mois, Romy* n’en est plus à sa première pesée – « attention, on ne bouge plus ! » Abreuvé de Guigoz 2e âge, de hors-d’œuvre de poisson et d’un assortiment de purées – « écrasées et non mixées ! » –, le petit deuxième d’Amélia a « pris du large », gagnant une croix en plein sur la courbe de poids. « Hormis la première, passage obligé en sortie de maternité, les pesées ont lieu en PMI au bon vouloir des parents, dit Nathalie Smail-Hollet, auxiliaire de puériculture. Sans relever d’un acte médical, la prise des mesures se veut un temps d’observation, de la relation parent-enfant, de la santé globale ou d’un syndrome dépressif du post-partum. » Une inquiétude dans le regard, Amélia goûte sa chance de se trouver là, au pôle social de Villeneuve-la-Garenne, où l’on trouve « tout sous un même toit ». La porte à côté, le médecin territorial se veut rassurant au sujet de ces « petits boutons qui, déjà, s’estompent » et de ces légers ronflements, « apparus parce qu’on a brutalement changé de saison… » Quant à cette « fébricule » (fièvre légère et passagère, NDLR), tout accuse la poussée dentaire. Au regard de ses consultations, que dire, sinon que le docteur Titti-Dingong est ici en plein cœur des missions de la PMI.


NUL PATIENT DE 2 À 6 ANS N’EST LAISSÉ SANS PRISE EN CHARGE, MÊME SI LES TOUT-PETITS DEMEURENT LA GRANDE PRIORITÉ
UN RÔLE D’OBSERVATEUR
Dans ces lieux, gratuits et universels, la prévention des maladies infectieuses par la vaccination se double d’un œil vigilant sur la poussée staturo-pondérale et le développement psychoaffectif du petit patient. Comme lors de l’évaluation aux neuf mois du nouveau-né, passée haut la main par une Romy alerte et à quatre pattes faisant, et sous les bravos, « étalage » de sa psychomotricité. « En cabinet de ville, les médecins jonglent d’une consultation à une urgence, dit le Dr Titti-Dingong. On peut ici prendre le temps d’observer le bon développement de l’enfant. » Est-ce que celui-ci tient sa tête, se retourne et s’assoit de lui-même ? Réagit-il déjà à son prénom ? Où en est la locomotion de celui-là, en fonction de son âge, mais aussi sa communication par le regard, ses gestes, et le pointage d’objets, comme ce jouet ô combien désiré par Romy… Succédant à la pesée, pareil examen requerra trente minutes au bas mot. Nul patient de 2 à 6 ans n’est laissé sans prise en charge, même si les tout-petits et les cas sous « surveillance particulière » demeurent la grande priorité. Mais sait-on seulement que trois bronchiolites peuvent provoquer l’asthme du nourrisson, une « situation de vulnérabilité », s’il en est ? Les jeunes parents ont tout à gagner à un dépistage précoce, opportunité de glaner de bons conseils nutritionnels et de voir le suivi de l’enfant scrupuleusement consigné dans le carnet de santé. « Notre périmètre d’intervention ne se limite pas aux Villénogarennois, explique Francine Bagassien, la cheffe du « SST 1 » (Service des solidarités territoriales ; le Département en compte quatorze, NDLR). Seul un tiers des nouveau-nés n’y sont pas suivis, faute de connaître son existence, ou parce qu’ils ont déjà un médecin de ville. »


ACTEURS DE LA PRÉVENTION
Avec le recrutement en octobre d’une sage-femme, partagée avec le Centre de santé sexuelle (CSS), et une récente infirmière, la PMI étend son offre. Le duo Anne-Laure Gilloury et Aurélie Deprez a ainsi, en tant qu’infirmières-puéricultrices, tout le loisir de réaliser une « clinique du tout-petit », comme lors de la première pesée des bébés, leur prérogative. « Cela consiste à faire une “photo” de l’enfant à un instant T, dit Aurélie Deprez. Des pathologies passent sous les radars des maternités, et certains parents viennent ici en première intention, plutôt qu’aux urgences. » Disant assumer un rôle de « plaque tournante », elles assurent leur rôle de prévention en proposant des vaccinations obligatoires et le Beyfortus en période de bronchiolite. « Le soutien est le maître-mot, soutien à la mère sur son allaitement, ou son alimentation artificielle, soutien à sa santé mentale, soutien à la parentalité… », précise Anne-Laure Gilloury. Il s’agit pour elles de désamorcer des inquiétudes, relatives à des évidences « déconcertantes », qui n’en sont pas pour tous les parents : un bébé qui ne s’alimente plus parce qu’il fait, tout bonnement, ses dents ; qu’il faudra brosser, même s’il n’y en a qu’une ! ; qui souffre de coliques, de rejet… Aurélie ne dit pas autre chose : « Il nous faut aussi accompagner les parents à la gestion de la frustration, par exemple, en amenant des repères. » Et si c’est trop difficile, accourir – même sans rendez-vous – à la PMI, qui sensibilise au syndrome du bébé secoué, doit devenir ce réflexe vital. Outre leur haro contre le smartphone dès l’enfance – « sinon, il s’ennuie… », se voient-elles rétorquer –, et leur combat pour la lecture contre les retards de langage (voir notre article sur 1001mots, HDS n°3), les puéricultrices font aussi parfois appel aux partenaires pour un appui en crèche ou en halte-garderie.
COMPTINES ET JEUX
En miroir de l’évolution de la société, une offre d’ateliers, en prise avec les besoins d’aujourd’hui, doit se faire jour : diversification alimentaire, « pas à pas » vers la parentalité, premiers secours aux nouveau-nés et prévention des accidents domestiques… « On espère accrocher les mamans dès leur grossesse, bien aidées en cela par la sage-femme, de manière à construire un vrai parcours et du suivi. » Avec déjà de l’antériorité, les ateliers d’éveil les lundis évoquent L’île aux enfants. De quatre mois jusqu’à la marche, les activités alternent d’ailleurs entre comptines et jeux, où faire ses premiers pas « en société ». « Ces accueils-jeux rompent l’isolement des parents du secteur, explique Noel Grace Mbenzene, éducatrice de jeunes enfants. Tous s’avèrent demandeurs de repères éducatifs et à ce jeu, celles et ceux qui ont des plus grands font figure d’aidants. » Aussi, à l’attention des « marcheurs » jusqu’à 3 ans, peinture, puzzle et pâte à modeler convoquent-ils l’inventivité, le plus souvent, de leur maman, pour qui jouer avec sa progéniture et verbaliser ce qu’elle voit ne va pas toujours de soi. « Sur rendez-vous, j’aide à domicile les familles à faire une place à l’enfant dès son arrivée, à écarter, par exemple, les jouets inadaptés à son âge. » Alors qu’elle venait d’accoucher d’un « très grand prématuré », Marine s’est vu informer par courrier de la présence de la PMI, depuis fréquentée assidûment par Isaac, son fils. À dix mois et demi « d’âge corrigé », lui qui ne présente à ce stade aucun trouble du neurodéveloppement prouve chaque semaine ses talents d’explorateur au « Groupe Pop », réservé les jeudis aux enfants à risques. « Par principe, il requiert un suivi étroit jusqu’à ses sept ans, et a deux pédiatres dont le docteur Titti-Dingong, dit son père, Pierre-Emmanuel. Les parcours à quatre pattes en vue de travailler sa motricité sont supervisés par des psychomotriciennes issues du Centre médico-psychologique de Villeneuve-la-Garenne. » Marine elle-même loue la disponibilité du personnel du CMP, un des nombreux partenaires du Département, qui « la corrige sur certains gestes ». Ayant toute confiance dans la PMI, la jeune maman n’est plus à convaincre d’y faire suivre sa prochaine grossesse qu’elle dit « à risque ».
*Les prénoms ont été modifiés

UN APPUI SOLIDAIRE HORS LES MURS
Créées en 2024, en réaction à une remontée de la mortalité infantile en France, les équipes mobiles Nord et Sud sont complémentaires de la PMI. La garantie d’un maillage fin au plus près des besoins.
Avec une pudeur qui l’honore, Sabina* tourne la maigre ampoule venant jeter une lumière crue sur la « chambre » de Laslo*. Dans cette pièce où il fait la sieste quand il n’est pas à l’hôtel social du 115 à Nanterre, il reçoit ce matin la visite cruciale de l’infirmière-puéricultrice de l’équipe mobile Nord du Département. D’une empathie inhérente à sa tâche, celle-ci concentre ses inquiétudes sur l’enfant de 2 ans. Lequel souffre manifestement de troubles du comportement alimentaire et du neuro-développement. Après avoir vérifié son carnet de santé, l’équipe en lien avec des associations effectue une distribution de denrées – du lait de croissance contre les carences en fer – et des vêtements. Le don d’un seul doudou suffit parfois à établir ce lien de confiance avec les parents, à la rue ou en grande précarité. « L’équipe mobile est au cœur des dispositifs départementaux » d’aller-vers « , dit Élisabeth Hausherr, directrice de la mission santé publique au Département. Sa création, qui remonte à 2024, sert trois objectifs : abaisser les taux de mortalité infantile, et de mortalité maternelle, tout en agissant très concrètement pour l’égalité des chances dès la naissance. » Selon l’Insee, le niveau des décès avant la première année s’établissait en France en 2024 à 4,1 ‰, contre 3,3 ‰ en moyenne pour l’Union européenne. Suite heureuse, Laslo, fusionnel avec sa mère, sera orienté vers un lieu de soin adapté par l’équipe mobile : un centre médico-psychologique (CMP) ou un Centre d’action médico-sociale précoce (CAMSP). De même, Moussa*, bout de chou amoureusement emmitouflé par sa mère, la souriante Aïssata*, se remet d’une vie à la rue. « Son carnet de santé atteste qu’il est étroitement suivi, que le bébé prend du poids régulièrement ». L’accompagnement par l’équipe mobile se termine, le relais est pris par la PMI.
*Les prénoms ont été modifiés