Fondateur et président de l’Information nationale pour les droits des aidants et membre du Conseil départemental de la citoyenneté et de l’autonomie 78 et 92, Olivier Calon mise sur le repérage et la prévention des aidants.
On estime qu’il existe environ onze millions d’aidants en France, c’est-à-dire de non professionnels qui aident de manière régulière une personne dépendante. Au quotidien, quelles difficultés rencontrent ces personnes ?
OC Devenir aidant, c’est comme « entrer en guerre ». Qu’il s’agisse du vieillissement ou de la maladie subite d’un proche, le plus gros problème est que tout le stress de l’accident de vie est ressenti, non pour soi-même, mais pour quelqu’un d’autre. L’aidant se fait littéralement absorber, il doit s’impliquer tout de suite, s’occuper de l’autre et il est souvent seul pour assumer cette charge pour toute la famille. Cela entraîne une certaine dissolution de sa propre personne. Cette implication est donc à la fois psychologique mais aussi physique, avec le risque de s’épuiser.
D’où pour vous la notion primordiale de « droit au répit »…
OC Cette notion de répit est apparue pour la première fois très récemment, dans la loi d’adaptation de la société au vieillissement – dite ASV – de 2015. Aujourd’hui, s’ouvrent de nouveaux lieux d’accueil de répit qui fonctionnent 7 jours sur 7. C’est un « plus » par rapport à l’offre médico-sociale existante dans les Ehpad ou les Maisons des Aînés et des Aidants. Mais ces lieux sont encore très rares et il faut encore soutenir et organiser cette offre. Mais pour que cela fonctionne, il fallait aussi donner à l’aidant la possibilité de prendre des congés…
Justement, la loi du 22 mai 2019 et le plan national Agir pour les aidants ont fait avancer la reconnaissance des aidants avec notamment le « congé proche aidant », entré en vigueur le 1er octobre 2020. Vous dites qu’il s’agit d’une étape historique…
OC Cette indemnisation du « congé proche aidant » est effectivement une avancée historique puisque désormais, l’aidant à la possibilité de prendre un congé pour récupérer. Il est désormais possible d’aménager son temps de travail et d’aborder le problème avec son employeur. C’est une révolution ! Avec l’allongement de la durée de vie, cela devenait une obligation car, un jour ou l’autre, un salarié sur quatre sera concerné, ce qui revient à dire qu’absolument tout le monde peut se retrouver dans cette situation. D’où l’utilité de la prévention : nous sommes tous concernés. Lorsqu’ils arrivent dans ce que l’on appelle une « zone d’aidance », vers cinquante ou soixante ans et qu’ils ont toujours leurs parents vivants, les salariés devraient être systématiquement sensibilisés à ces questions afin d’être préparés si cela devait arriver dans les faits. Cette première sensibilisation dans les entreprises afin de repérer ces aidants potentiels, en passant par les managers par exemple, est fondamentale. Ce n’est même plus de l’empathie mais de la pertinence économique et solidaire !
Un jour ou l’autre, un salarié sur quatre sera concerné, absolument tout le monde peut se retrouver dans cette situation.
Cette problématique des aidants prend-elle encore plus d’importance quand on sait qu’on se retrouve face à une « génération pivot » de seniors aidants, à la fois conjoints et enfants de personnes dépendantes ?
OC C’est une phénomène sociétal nouveau lié au vieillissement de la population. Cette « génération pivot » est celle des jeunes seniors actifs, toujours en bonne santé et qui ont encore leurs parents. Quand vous devenez au quotidien parent de votre parent, c’est une épreuve sur le plan psychologique. Votre parent vous a élevé quand vous étiez jeune et vous vous mettez vous-même à l’élever, dans le sens de le maintenir debout et autonome.
Vous parlez d’un « acte de solidarité nationale » des aidants. Que voulez-vous dire ?
OC Les aidants valent de l’or car en multipliant le travail que les aidants effectuent par leur nombre, on arrive à des milliards d’heures. Ils sont donc une ressource puisqu’ils contribuent à la solidarité nationale. Donc si l’on accompagne ce public, on gagne deux fois : la première auprès des aidants, la deuxième auprès des aidés.
Le plan national Agir pour les aidants comprend également le déploiement d’un réseau de lieux d’accueil physique pour les aidants. Quelle serait son importance ?
OC Je rêve d’un maillage territorial de points d’information et de relais. Ce pourrait être des lieux disposés tous les cinq kilomètres comme par exemple des pharmacies, des kiosques, des maisons France Service, des cafés des aidants, des bornes de l’Assurance maladie, des salles d’attente de médecins… Ainsi, quand l’aidant entre dans ces lieux, il se renseigne, il est actif et il apprend des choses. Il faut des endroits de ce type qui participent à la sensibilisation territoriale. Il y a aussi deux autres portes d’entrée que sont les CCAS au niveau des villes et les Départements au travers du schéma départemental de l’autonomie, avec, notamment, la question centrale du repérage des personnes concernées. On ne peut plus attendre tant il y a une disproportion entre le nombre d’aidants d’un côté et les dispositifs et les solutions de l’autre.
Dans le futur, les compétences acquises par les aidants pourraient-elles être valorisables et leur permettre de se professionnaliser ?
OC Nous sommes en train de réfléchir, au-delà de l’accompagnement des aidants, à faire en sorte que les compétences acquises par les aidants – ce que l’on appelle des soft skills – puissent être retranscrites dans le champ du travail, pourquoi pas sous la forme d’une valorisation d’acquis d’expérience ? Grâce à cela, on pourrait retrouver une nouvelle filière de services à la personne d’autant plus que l’on estime que 280 000 personnes vont bientôt manquer à l’appel dans ce secteur. Ce serait l’occasion de créer un nouveau vivier.
Un « Questions de famille » spécial aidants
Créé pour apporter un éclairage sur des sujets de société en lien avec l’action sociale, « Questions de Famille » est consacré cette fois-ci à la problématique des aidants. Sur my.hauts-de-seine.fr/questionsDeFamille/etreAidant/, ce nouveau numéro présente quelques chiffres sur la situation sur l’aidance en France, donne la parole à des experts et propose des témoignages d’aidants et des reportages vidéo sur des offres de répit disponibles et des initiatives prises dans les Hauts-de-Seine. Cette plateforme en ligne donne enfin des informations sur les différentes structures présentes sur le territoire et vers lesquelles le public peut se tourner. n