La section hockey du Cercle Athlétique de Montrouge a rejoint les six Clubs des Hauts-de-Seine labellisés par le Département. Double champion d’Europe, le club bientôt centenaire reste attaché à ses valeurs familiales et à sa convivialité.
D’un bleu azur, mâtiné de rose cerise, il attire les regards avec ses couleurs vives. Ouvert sur les rues attenantes, le terrain de hockey sur gazon du Cercle Athlétique de Montrouge est la clef de voûte d’un bastion sportif niché dans un tranquille petit coin de campagne au cœur de la ville. Car, aux yeux des initiés, c’est un lieu réputé, passage presque incontournable pour les meilleurs joueurs hexagonaux de ce sport méconnu chez nous mais parmi les plus pratiqués au monde. Le hockey sur gazon jouit en effet d’une incroyable popularité en Asie, en Australie et plus près de nous, au Benelux et en Allemagne, récente championne du monde. Les Français s’y prêtent moins, renforçant l’impression de « microclimat » qui plane au-dessus du club montrougien. Un engouement local particulièrement notable lors de sa dernière saison triomphale. « Ce fut une année riche en compétitions, avec un championnat et deux rendez-vous majeurs où il fallait répondre présent, se rappelle Aymeric Bergamo, entraîneur de l’équipe première masculine. Notre effectif était jeune et réduit, mais quelque chose s’est créé lors des matchs de préparation, quelque chose qui m’a fait sentir que nous étions sur la bonne voie. » Son pressentiment se vérifiera par trois fois. Au cours d’une épopée exceptionnelle, l’équipe élite est sacrée championne de France et double championne d’Europe, à la faveur du report de l’édition 2020 de l’Euro Trophy – l’équivalent de l’Europa League au football… L’équipe féminine, quant à elle, rejoint les demi-finales dans sa catégorie.
Ces performances sont autant de preuves de l’aboutissement d’un travail de fond – autour d’un groupe et d’une méthode de préparation – dont les jalons avaient été posés sept ans plus tôt par le coach, promu depuis directeur sportif. L’ancien sélectionneur des U21 en équipe de France modernise la formation, épaulé par l’ex-directeur de la performance de la fédération. Renforcés, les entraînements sont augmentés de briefings et de capsules vidéo, qui garnissent l’agenda et la boîte mail de ses joueurs. Assistée d’un préparateur physique, des séances de musculation hebdomadaires s’ajoutent au travail technique : un atout utile pour s’imposer dans les « duels ». Mais au contraire de sa déclinaison sur glace, le hockey sur gazon ne se range pas parmi les sports de contact.
Convivialité et camaraderie
« À terme, si l’on envisage encore de renforcer les équipes premières, il faudra recruter un entraîneur adjoint et élargir le réservoir des joueurs, explique Aymeric Bergamo, qui ne fixe aucune limite à l’envol de son club. Trouver des sponsors est le prochain défi. Impossible de viser plus haut sans professionnaliser la section. » En ligne de mire, les EHL – la Ligue des champions de hockey sur gazon – où dominent à ce jour les équipes salariant leurs champions. S’il aspire à devenir plus qu’un centre de formation, le CAM 92 offre déjà une alchimie gagnante, un contingent de talents sans cesse renouvelé et un spectacle qui a trouvé son public. En atteste le pari gagnant de l’organisation, à domicile, de l’Euro Trophy en avril 2022. Pour l’occasion, des gradins sont dressés en bord de terrain, que des centaines de supporters transforment en chaudron bouillonnant. Car le CAM est une famille et une famille qui « a la gagne ». La convivialité et la camaraderie sont des valeurs qui l’emportent sur toute autre considération. « En France, le hockey sur gazon est un sport amateur, personne ne le pratique pour l’argent, explique Martine Clément, présidence de la section hockey du CAM. Tous sont happés par la bonne ambiance, une atmosphère dans laquelle on plonge aussitôt. »
Un engagement « non-stop »
Tout commence très tôt, presque au sortir du berceau : les enfants de pratiquants s’inscrivent souvent dans les pas de leurs parents. Avec en tête la perspective du haut niveau ou plus simplement celle du loisir. « Mes enfants et petits-enfants sont sur les bords des terrains depuis leur naissance, se souvient Martine Clément, dont le patronyme est durablement associé à celui du club. Sitôt savaient-ils marcher, qu’ils se baladaient avec une crosse ». La famille a ainsi donné au club plusieurs fratries de compétiteurs. L’équipée familiale des Clément débute avec la génération de Martine et de son mari, rencontré comme il se doit sur un terrain de hockey. La première fois qu’elle pousse la porte du club montrougien, c’est à l’aube des années 1960, signant sans le savoir un « engagement non-stop » depuis lors. « À mon arrivée, il n’y avait pas d’équipe féminine de hockey. Alors je suis allée voir mes copines du tennis, en ciblant celles qui couraient vite et ensemble, on a monté un collectif ». Rapidement, la jeune formation se confronte à la concurrence et essuie une défaite 8-0 pour son premier choc, face au Stade français. « Cela ne nous a pas refroidies. On a perdu tous nos matchs-aller… mais remporté tous nos matchs-retour, s’amuse-t-elle. Dans les années 1970, toute une jolie bande animait les lieux et organisait à Pâques des tournois amicaux, avec des équipes étrangères. L’atmosphère était extraordinaire ! » Soudés, certains membres se rejoignent même pour les vacances, disputant des parties de beach hockey aux Sables-d’Olonne.
Meilleur espoir mondial
À l’époque, Philippe Gourdin, sélectionneur de l’équipe de France, parvient à entraîner les pépites du CAM dans les compétitions internationales. Un tournant qu’illustre Guillaume Clément, figure de la seconde génération avec 167 sélections. Bien des années plus tard, à l’instar de son père, Timothée fait ses classes au CAM, enfournant chaque week-end dans son sac raquette et crosse. Champion des Hauts-de-Seine cadet au tennis, il finit par se consacrer pleinement au sport familial et grimpe les échelons. Pour récompenser son prometteur niveau de performance, la fédération internationale lui attribue le trophée du Meilleur Espoir mondial ; une distinction qu’il est le seul Français à avoir obtenu à ce jour. Pour son développement de carrière, l’ex-capitaine des moins de 21 ans a rejoint en 2020 le championnat belge, réputé plus relevé. Avec sans doute un pincement au cœur, compte tenu des liens familiaux avec le club, il emmène avec lui son frère Mathis. Convoités par la concurrence étrangère, les joueurs du Cercle portent en effet un style de jeu « pêchu » et cadencé, qui appelle la prise de risque. « Notre style de jeu est plein d’intensité, explique Aymeric Bergamo. L’investissement sur le terrain n’est pas négociable. »
Dans les gènes
Un discours éprouvé, qu’il n’hésite pas à rappeler dans les vestiaires pour sonner la mobilisation générale, quand la mécanique déraille en cours de match. « Globalement, on est une équipe structurée, structure à ne pas mettre en opposition avec le talent personnel des joueurs, qu’on laisse s’exprimer. Après, on leur inculque un principe crucial : le destin de l’équipe doit primer sur les velléités individuelles. » Les plus jeunes, eux, ont encore le temps d’y penser. L’abnégation et le sens du jeu viennent après la maîtrise des rudiments. L’étape élémentaire de leur apprentissage, qui débute à partir de 6 ans, se passe sous la supervision de Julie Clément, autre représentante de la seconde génération et directrice de l’école de hockey : « Jeunes, ils ont encore besoin de travailler le mental. Certains n’acceptent pas la défaite, se rebiffent, veulent quitter le terrain. On réalise avec eux tout un travail sur la maîtrise des émotions ».Hauts comme trois pommes, les U8 concentrent leur attention sur la coordination de leurs gestes, à force de remontées de terrain, balles dans le creux de la crosse. « Il est encore trop tôt pour les faire s’affronter, explique la multi-championne de France, passée par le Stade français avant de regagner ses pénates au CAM. Les U10 débutent les matchs sur des huitièmes de terrain, et apprennent à écarter le jeu et éviter les phénomènes de grappe ». Inutile de se hâter, même si l’on se destine au haut niveau. Diversifier ses expériences n’est pas non plus un défaut. « Certains enfants ont le hockey dans les gènes, d’autres ont déjà pratiqué un sport collectif, tiennent physiquement et surtout savent bien se placer. Personnellement, j’ai commencé ce sport vers 13 ou 14 ans, après avoir pratiqué la gymnastique et le tennis. Quand j’étais plus petite, mes parents me lâchaient dans le club et ne me revoyaient pas jusqu’au soir. Le CAM, c’était comme mon jardin. »
Nicolas Gomont
camontrouge.fr