Ce projet doit conforter Paris La Défense comme un quartier à vivre, lieu de détente et de découverte attractif à l’échelle du Grand Paris.
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LE PARC S’ENRACINE SUR LA DALLE

Annoncé en 2022, ce projet majeur de la stratégie post-carbone de l’établissement public Paris La Défense est entré en phase de réalisation. D’ici à 2028, le plus vaste jardin sur dalle de France s’étendra au centre de l’Esplanade sur 5 hectares et 600 mètres de long.

Par Pauline Vinatier

 

Complémentaire de la transformation des tours, le verdissement de l’Esplanade doit venir bousculer l’image d’un quartier minéral et sujet aux îlots de chaleur. Pour l’établissement public gestionnaire du quartier d’affaires, il s’agit d’acter la prise en compte du changement climatique dans ses aménagements tout en répondant aux attentes sociétales : « Avec Le Parc, nous faisons entrer de manière inédite la nature à La Défense et redéfinissons l’identité et la physionomie de notre territoire, souligne Georges Siffredi, son président. Ce n’est pas un aménagement cosmétique et de court terme autour de quelques jardinières, mais un engagement structurant qui va métamorphoser le cadre de vie des usagers du quartier. »

Aux commandes de l’opération, le groupement conduit par l’architecte-paysagiste Michel Desvigne, Grand prix d’urbanisme 2011, respectera l’héritage de Dan Kiley, concepteur de l’Esplanade, en l’ouvrant aux usages contemporains. En 1972, paradoxe, il revint à un Américain de revisiter le classicisme à la française, avec ce qui demeure le plus méconnu des jardins de l’axe historique dans la continuité des Champs-Élysées et des Tuileries, caractérisé par la rigueur et la puissance de ses lignes. Pour son successeur, Michel Desvigne, « c’est un moment émouvant que de donner vie à cet espace gigantesque, un moment d’inquiétude aussi, car ce n’est pas rien d’intervenir sur l’axe historique de Le Nôtre. »

 

Vu d’en haut, le verdissement de l’axe ne sera que plus frappant.© Paris La Defense

DÉJEUNER SUR L’HERBE

La perspective, ainsi que la trame de platanes et de tilleuls originelle, préservées, serviront d’armature à une végétalisation de plus grande ampleur. « Aujourd’hui, 70 % des surfaces sont minérales ; le projet vise à inverser cette proportion. Nous nous insérons au-dessus et en dessous de l’existant en venant créer de nouvelles strates proches du sol, dans lesquelles seront sculptées de petites salles. » Des haies, des massifs fleuris et onze grandes pelouses, propices aux jeux et aux déjeuners sur l’herbe, constitueront l’essentiel de ces nouvelles strates intermédiaires ou basses, surplombées par plus de 300 nouveaux arbres, en plus des 535 existants. Six bassins, source de fraîcheur et de biodiversité, seront créés, rappels des fontaine Agam et bassin Takis aux deux extrémités de la promenade dont un espace avec jeux d’eau et brumisateur. Les allées en stabilisé, surface meuble que l’on retrouve dans les jardins parisiens, accueilleront des mobiliers urbains « amples et généreux » : bancs modulaires ou mille-pattes, chaises longues et même hamacs !

L’illusion de la continuité en vue d’ensemble du nouveau jardin – une nappe monumentale, un tapis vert entrouvert sur l’Arc de Triomphe et l’Arche – coexistera sur un axe transversal avec de multiples salles et ambiances, ajoutant à la convivialité du quartier. « Le Parc va favoriser les échanges sur l’Esplanade tout en l’ouvrant vers les immeubles et commerces alentour et au-delà vers les quartiers de Puteaux et de Courbevoie, poursuit Georges Siffredi. Par sa programmation, par son ambition, par son caractère novateur, cette initiative s’inscrit donc pleinement dans le nouveau cap stratégique que nous avons dessiné dès 2021 pour La Défense afin d’en faire le premier quartier d’affaires post-carbone au monde (l’objectif est de réduire de 50 % les émissions de carbone à horizon 2030, pour lutter contre le changement climatique, NDLR), un quartier agréable pour ses habitants, salariés et étudiants. »

 

CE N’EST PAS UN AMÉNAGEMENT COSMÉTIQUE, MAIS UN ENGAGEMENT STRUCTURANT QUI VA MÉTAMORPHOSER LE CADRE DE VIE DES USAGERS DU QUARTIER

 

C’est dans l’axe de la Grande Arche que les partenaires de ce projet d’un montant de 29 M€ ont donné le coup d’envoi officiel en septembre.© CD92/Olivier Ravoire

SOL FERTILE ET PERMÉABLE

L’existence d’un sol plus naturel et fertile, préalable à cette végétalisation, soulève un énorme défi dans un quartier construit sur dalle, elle-même couverture de nombreuses infrastructures souterraines. Un important travail de recensement des ouvrages souterrains et des sols a été mené en amont, permettant à l’établissement public d’ausculter son patrimoine : « Au-dessous du tablier, on trouve l’A 14, le RER A et le métro 1, des voies de dessertes souterraines, des locaux techniques… C’est un millefeuille qui peut atteindre cinq niveaux. De plus, la dalle a une capacité de portance limitée et chaque version du projet doit être compatible », égrène la chef de projet Zeineb Kilani. Ces différentes configurations déterminent les épaisseurs de terre végétale ou de remblai introduites entre le revêtement de surface et la dalle, de trente centimètres jusqu’à deux mètres, qui contribuent aussi à un meilleur écoulement naturel des eaux pluviales dans le sol – en tout 7 700 m2 seront désimperméabilisés.

La palette végétale comprendra pas moins de 143 espèces contre quelques dizaines sur l’Esplanade de Kiley, sans « logique de catalogue » puisqu’elle a été arrêtée avec l’appui d’un écologue et sur la base d’expérimentations menées dans les espaces publics dès 2017. Ont été retenus des sujets robustes et résistants au stress hydrique, des plantes vivaces et sobres, des espèces méditerranéennes et rustiques, tolérant les sols peu profonds, le vent et l’exposition intense aux rayons UV : arbousiers, chênes, érables, frênes, lilas, iris, millepertuis, pins… « On a une connaissance scientifique de la manière dont se comportent les végétaux, insiste Michel Desvigne. Ce n’est pas un projet ornemental, mais la reconstitution d’un milieu vivant tel que l’on peut le retrouver dans la nature, et c’est cette dimension naturaliste qui va l’emporter au fil du temps. » Un « exercice de transformation » précurseur qu’il espère « prototypique » pour les parcs sur dalle en milieu dense. 

 

UN CHANTIER EN TROIS PHASES

Le premier coup de pioche de cette opération d’un montant de 29 millions d’euros pour l’établissement aménageur et gestionnaire du quartier et ses partenaires a été donné en août. Paris La Défense a opté pour un séquençage en trois phases pour permettre aux usagers d’investir Le Parc progressivement et a pris des mesures pour composer avec les aménagements existants et réduire les nuisances pour les usagers et riverains. Les arbres originels, leur tronc et leur système racinaire, sont protégés, tout comme les œuvres d’art, pour certaines remises en état ou déplacées. Enfin, les quelque 100 tonnes de matériaux déposés (morceaux de dalle en granit, garde-corps en inox, bordures en bois, mobiliers, panneaux…) seront revalorisées sur d’autres chantiers dans une logique circulaire.

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