Inauguré l’an dernier à Boulogne-Billancourt, « Comme à la maison » permet aux salariés aux horaires discontinus de se reposer entre deux phases de travail. Une première en France.
Les canapés en velours vous tendent leurs accoudoirs et invitent à vous lover, la cuisine appelle à se faire de bons petits plats et les grandes chaises longues matelassées en bois vous font de l’œil pour une sieste bien méritée sous une lumière tamisée. Grand, lumineux, calme : « Comme à la maison » porte bien son nom car ici, tout a été fait pour que l’on se sente effectivement chez soi. Sur la grande table commune près de la cuisine, Louise a mis à recharger son téléphone pour pouvoir y regarder plus tard des films. « Je viens ici presque tous les jours quand je travaille sur Issy-les-Moulineaux et Boulogne. C’est comme un second souffle, une respiration pour moi », explique-t-elle d’une voix posée. Pour elle, ce lieu tombe à pic puisque cette aide à domicile a un emploi du temps pour le moins fractionné. « Je commence le matin à 9 heures jusqu’à 14 heures. L’après-midi, je fais également des gardes à domicile entre 17 h et 19 h 15. » Soit un « trou » de trois heures pendant lequel Louise, qui habite en Seine-et-Marne, ne peut pas rentrer chez elle. Avant « Comme à la maison », elle s’occupait comme et surtout où elle pouvait. « J’allais le plus souvent au centre commercial pour prendre mon repas ou réviser pour ma validation d’acquis d’experience. Ce n’était pas évident avec le bruit mais je n’avais pas le choix. Sinon je m’asseyais et je lisais un livre ou j’appelais mes amis. » Depuis l’ouverture du lieu, elle s’est totalement familiarisée avec ce nouvel environnement. « Quand j’en ai entendu parler, je me suis dit “super, on pense enfin à nous”. Pour me détendre, c’est l’idéal car je peux manger tranquillement, regarder la télé, me reposer. Depuis que je viens ici, je me sens moins fatiguée. » Chaque jour, un peu moins d’une dizaine de personnes du secteur de l’aide à domicile viennent fréquenter cette sorte de deuxième maison. À l’accueil, Maria Uta est chargée de recevoir les nouveaux arrivants. « C’est un public plutôt fragile et délicat qui n’ose parfois pas trop venir. Leur première réaction est de se demander si ce lieu est bien pour eux. Ils hésitent à s’asseoir, utiliser les couverts. Ils ne s’attendent pas à un endroit aussi beau. »
Se ressourcer
Ouvert depuis un an, « Comme à la maison » s’adresse – pour le moment – aux salariés d’entreprises d’aide à domicile auprès des personnes âgées et handicapées. Le chiffre est frappant : 82 % d’entre eux n’ont pas la possibilité de rentrer chez eux pendant leur coupure et doivent trouver le moyen de s’abriter pour patienter parfois plusieurs heures. « Ils ont une vie épuisante avec un travail le matin et un autre le soir. Pendant leur pause, ils vont dans les cafés ou dans les parcs », souligne Marie-Laure Godin, adjointe au maire chargée des affaires sociales et vice-présidente du Département chargée des affaires sociales, des solidarités et de l’insertion. La ville de Boulogne-Billancourt a décidé de remédier à ce problème en proposant ce lieu unique en France. Sur 300 m2, composé de plusieurs espaces, « Comme à la maison » se veut un lieu de ressources au sens très global du terme. « On peut trouver par exemple des offres d’emploi pour combler le temps entre deux missions ou tout simplement discuter avec d’autres employés », constate Marie-Laure Godin. En plus de se reposer, il permet de se former et de s’informer entre deux missions grâce à la salle informatique avec ses huit ordinateurs et son imprimante. C’est ici que par exemple une des adhérentes a pu passer – et réussir – son code de la route ou qu’une autre imprime des recettes de cuisine qu’elle prépare ensuite aux personnes dont elle s’occupe. Une seconde pièce peut accueillir des intervenants extérieurs comme une psychologue, un accompagnateur pour l’emploi voire même une esthéticienne qui prodigue massages et soins du visage. « Ces métiers sont très pénibles du fait de ces horaires flexibles. Ici, les salariés se sentent considérés. On prend soin de ceux qui prennent soin des autres », résume Emmanuel Rivet, directeur adjoint de Seine Ouest entreprise et emploi, l’agence de développement économique de Grand Paris Seine Ouest (GPSO) dont dépend la structure.
Particularité de « Comme à la maison » : ce ne sont pas les employés qui paient la cotisation annuelle, mais leurs employeurs. Une dizaine d’entreprises ont participé au lancement de la structure en indiquant quels services elles aimeraient y voir figurer. « Tout ce qui a été demandé en termes de bien-être au travail a été installé, note Emmanuel Rivet. Pour ces entreprises, c’est aussi un avantage concurrentiel. Ce lieu est aussi un des leviers qu’elles peuvent activer pour fidéliser ses salariés. » Parmi ces entreprises pilotes, Cleyade, spécialisée dans l’aide à domicile et le ménage. « Nous voulions faire le maximum pour le bien-être de nos salariés mais nous n’avions pas les moyens de mettre en place une telle structure seuls, se souvient Alexandra Rusu, responsable de l’agence boulonnaise. Lors des réunions, l’idée était d’avoir l’essentiel : des fauteuils pour se reposer, une cuisine pour les repas, des sanitaires pour se doucher et des casiers qui sont très importants quand on sait que certains salariés se promènent toute la journée avec des sacs de plusieurs kilos. » Aujourd’hui, seize employés – la moitié des effectifs – fréquentent la maison. « Lorsque l’on recrute, on parle tout de suite de ce lieu, comment il fonctionne et on n’hésite pas à accompagner la personne, à lui ouvrir la porte », poursuit Alexandra Rusu.
Favoriser l’autonomie
Bénéfique pour les salariés et les entreprises, le « Calm » profite également à ceux qui se trouvent au bout de la chaîne, à savoir les aidés. « Si une personne est confrontée à un important turn-over, elle se retrouve fragilisée à son tour. Or, notre souhait est de favoriser l’autonomie des personnes âgées le plus longtemps possible », poursuit Marie-Laure Godin. Une volonté de maintien à domicile qui entre dans les compétences du Département qui a financé l’an dernier ce projet à hauteur de 54 000 Ä au titre de la Conférence des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie.
« Comme à la maison » va progressivement s’ouvrir à un autre public. Tout d’abord aux salariés embauchés par un particulier, la cotisation de douze euros par an étant prise en charge soit par l’employeur, soit par l’employé. Ensuite à d’autres secteurs soumis eux aussi à des horaires discontinus comme la restauration, la grande distribution ou l’entretien. Cette grande maison bien accueillante n’est pas près de désemplir.
Mélanie Le Beller
Page Facebook : @commealamaisonboulognebillancourt