Sextuplette, Adolphe Grossot, fabricant (1894 - 1898). Cadre en tube d’acier renforcé. Roues métalliques avec chambre à air et pneu en caoutchouc. Selles en cuir. Poignées en bois. © Musée du domaine Départemental de Sceaux Thierry Ollivier
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LA GRANDE HISTOIRE DE LA PETITE REINE

L’exposition Roues libres, à l’Orangerie du Domaine départemental de Sceaux, illustre les étonnantes métamorphoses du vélo à travers les âges. Une Olympiade culturelle à découvrir jusqu’à la fin de l’année.

Coupons tout de suite court à la tentation du scoop historique : non, le fils de Colbert n’a pas pédalé dans les allées dessinées par Le Nôtre, et si la duchesse du Maine se rêvait « petite reine », ce n’était pas dans ce sens-là ! Plutôt qu’au Grand Siècle, c’est au XXe des sports et techniques que l’on doit cette étonnante exposition. Et à la figure pionnière de l’aviateur Robert Grandseigne (1885-1961), collaborateur de Louis Blériot et le premier à avoir réalisé, en 1911, un vol de nuit au-dessus de Paris, en décollant d’Issy-les-Moulineaux. Les mécaniques aéronautiques et vélocipédiques étant sœurs d’atelier, l’aviateur s’est épris de la petite reine au point de constituer une collection qu’il promena derrière le Tour de France 1936 afin de « faire connaître à toute la France sportive industrielle et commerciale, l’histoire du premier moyen de locomotion moderne sur route ». Sa veuve, respectant sa volonté de confier la sauvegarde de cette collection à une institution publique, en fit don en 1964 au Département de la Seine qui la conserva au sein du musée de l’Île-de-France, préfiguration de l’actuel musée du Domaine départemental de Sceaux.

De Louis Trinquier-Trianon (1853 – 1922), Chromoli-thographie.Vers 1910.© Archives Départementales des hauts-de-seine
Après 1868. Corps droit en acier forgé. Cerclage métallique des roues, jantes, rayon et poignées en bois. Pédales en bronze. Poignées en bois.© CD92/Olivier Ravoire / Musée du Domaine départemental de Sceaux.

Une galerie de l’évolution

La vingtaine de pièces rares qu’en grand seigneur le donateur entendait montrer au plus grand nombre forme le moyeu de l’exposition Roues libres, la grande histoire du vélo, à quoi s’enchaînent des prêts publics et privés ainsi que des images sorties des rayons du musée. « L’exposition s’organise autour de trois axes permettant d’aborder l’histoire foisonnante du cyclisme, explique Céline Barbin, conservatrice au musée et commissaire de l’exposition. Le but, c’est la découverte et j’espère l’émerveillement devant ce qui est finalement assez méconnu. » L’Orangerie, utilisée dès le XVIIe siècle comme galerie d’art, se transforme en une galerie de l’évolution de l’étrange machine. Ses formes et organes, particulièrement divers, sont disséqués avec le souci de rendre la technique accessible à tous. Le catalogue d’exposition, abondamment illustré, rend d’ailleurs compte des nombreux regards possibles sur le domaine : sportif, mécanique, sociologique, voire cinématographique. Après la draisienne brevetée en 1817, que l’on faisait avancer en poussant des pieds au sol, l’histoire du vélo passe bien évidemment par l’invention de la pédale qui équipe, dans les années 1860, les vélocipèdes, dont celui de la collection Grandseigne : une sorte de traction avant à entraînement direct sans transmission par chaîne. L’élégance cycliste du grand-bi rappelle celle du cavalier, et son équilibre précaire la citation attribuée à Churchill : « Le cheval est dangereux devant, dangereux derrière et inconfortable au milieu… ». Au sommet de l’évolution : le cadre suspendu, qui permettra le hors-piste en VTT et BMX ; voire l’assistance électrique moderne dont on pourrait pressentir l’avant-goût – en plus carboné – dans le vélocipède à vapeur (1870) de l’ingénieur Perreaux, pièce exceptionnelle des collections du musée.

L’élégance cycliste du grand-bi rappelle celle du cavalier, et son équilibre précaire

Plaque fiscale, fabricant anonyme, 1912. Collection particulière.© DR

Un domaine populaire

Actualité olympique oblige, l’exposition s’intéresse également à la compétition cycliste et présente, entre autres, l’unique exemplaire connu de la sextuplette inventée par Adolphe Grossot à la toute fin du XIXe siècle pour battre des records de vitesse et entraîner les champions ; elle semble descendre directement de l’affiche du film Les Triplettes de Belleville. Quant à la diversité des usages du vélo, objet social et de loisir répondant à des préoccupations toujours d’actualité, elle bénéficie de prêts de collectionneurs privés, saisis par la triple passion du vintage, de la mécanique et du voyage, à l’image de ces mini-vélos aux couleurs pop qui nous font remonter le bitume en famille jusqu’aux seventies. Car nous avons tous un souvenir à bicyclette, avec ou sans Paulette… Ce qui rend cette exposition, labellisée Olympiade culturelle Paris 2024, particulièrement attractive, même à qui s’intéresse plus au ballet classique qu’à l’ascension en danseuse. Le vélo a ceci de singulier qu’il peut réunir, autour du même objet, ceux qui militent en ville pour les circulations douces et ceux qui suivent l’été la caravane du Tour de France. Tous sont les bienvenus à Sceaux, en roue libre.

Didier Lamare
Roues libres, la grande histoire du vélo, Orangerie du Domaine départemental de Sceaux. Jusqu’au 31 décembre.
domaine-de-sceaux.hauts-de-seine.fr 

 
 

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