Alors que le quartier d’affaires s’est engagé vers un avenir décarboné, l’exposition photographique Tours et Détours à découvrir au Domaine départemental de Sceaux et au parc départemental des Chanteraines, est, à la fois, un rappel de l’extraordinaire ambition qui a marqué l’histoire du site et un révélateur de l’ampleur de l’évolution en cours. Une histoire qui ne pouvait être montrée qu’en grand format.
Textes : Didier Lamare avec Nicolas Gomont

VOIE TRIOMPHALE
La Défense de Paris (1883).
Bronze de Louis-Ernest Barrias (1841-1905). Place de La Défense, Courbevoie.
Dans la nuit du 18 janvier 1871, des gardes nationaux avaient remonté jusqu’ici la « voie triomphale » depuis la place de l’Étoile, avant de partir vers Buzenval dans une dernière tentative pour rompre la ligne des assiégeants prussiens et assurer la défense de Paris… Choisi par le conseil général de la Seine parmi plus de cent propositions, le monument rend hommage à la bravoure d’un territoire et son nom s’imposera naturellement à la place où il est inauguré, puis au quartier rayonnant alentour. Déplacé plusieurs fois pendant les travaux d’aménagement, le monument a retrouvé son site d’origine à quelques mètres près.
● 4 m de haut
● 115 artistes candidats dont Rodin, Doré, Bartholdi, Carrier-Belleuse…
Photo : CD92/Willy Labre

« HUB » DE L’INNOVATION
Campus Cyber tour Eria (2022). Architecte : Christian de Portzamparc.
Une nouvelle économie de la connaissance transforme peu à peu La Défense en « hub » européen de l’innovation ; on y questionne l’intelligence artificielle, l’énergie décarbonée, les sciences de la vie. Le Campus Cyber s’y inscrit, sur le domaine de la sécurité et de la souveraineté numérique. Il agrège dans un même lieu « l’écosystème de la cybersécurité » : start-ups, PME, industriels de la cybersécurité et du numérique, services de l’État, laboratoires de recherche, organismes de formation… L’enjeu crucial : ripostes aux cyberattaques, rapprochement de la recherche et de l’industrie en vue d’innover et de former les experts de demain, dans un monde ayant généré, depuis 2021, davantage de données que pendant toute l’histoire de l’humanité.
● 26 000 m2
● 13 étages
● 100 sociétés
● 1 800 experts
Photo : CD92/Stéphanie Gutierrez-Ortéga

CHAUD ET FROID
Centrale Idex (1967 reconstruite en 1994).
Quartier Faubourg de l’Arche, secteur Arche Nord, Courbevoie.
Avec son sister-ship de Nanterre (2006), la centrale alimente en chaud et froid 3,5 millions de m2, soit 200 immeubles de bureaux et 12 000 logements. Des tuyaux à perte de vue, comme des entrailles où bouillonne l’eau de chauffage, la lumière glacée des bassins de climatisation : difficile de ne pas songer à la soute du vaisseau Nostromo dans l’Alien de Ridley Scott… Cependant, pas de monstre ici – on chasse même celui de la pollution carbone ! Le passage progressif des combustibles fossiles à un mix énergétique de bio-fuel, de gaz naturel et d’agro-pellets – des granules à base de paille de colza, maïs, coques de noix, noyaux d’olives et de sarments de vignes acheminés par voie ferrée – réduit de plus de 5 % les émissions de gaz à effet de serre du territoire.
● 24 km de circuit chaud
● 14 km de circuit froid
● 60 % d’énergies renouvelables
● 54 000 tonnes d’équivalent CO2 économisées par an
Photo : CD92/Olivier Ravoire

À L’HEURE BLEUE
La Défense Jazz Festival (depuis 1992).
Parvis de La Défense, Puteaux.
Des fonctions de la ville, synthétisées autrefois par Le Corbusier, on a beaucoup parlé à La Défense des premières : travailler, habiter, circuler ; et beaucoup moins de la quatrième dimension : se divertir aux heures de loisir. Aux beaux jours du printemps, La Défense Jazz Festival en est le symbole le plus représentatif, créé et organisé par le Département depuis 1992, intégrant le fameux concours international né en 1977. Sur la place centrale de La Défense rénovée en 2023, il attire aux heures de pause du midi et du soir ainsi que le week-end, l’amateur de blue note et de jazz éclectique – cette année Herbie Hancock, Angélique Kidjo, Jalen Ngonda… –, le salarié des tours, le voisin d’appartement, le touriste international.
● 7 jours de concerts gratuits
● Place piétonnière de 4 000 m2
● 2 000 m2 de pelouse
Photo : CD92/Julien Guest

SUR LE PAVÉ, LA TERRE
Jardin partagé des Reflets (2016).
Ateliers de sensibilisation proposés par Les Jardins de Gally.
Place des Reflets, Courbevoie.
Tous les paysans le disent : c’est la terre qui fait la nature. Et quand la ville s’est construite sur le pavé – ou plus exactement sur une dalle de béton hors-sol naturel – il faut désormais que la terre soit rapportée pour répondre aux exigences de notre époque, prise entre le droit à la nature pour chaque usager et le devoir de résistance devant les dangers du changement climatique. Entrepris depuis plusieurs années, le grand plan de végétalisation des espaces publics visant à réduire les îlots de chaleur commence ici avec une graine plantée modeste par le riverain. À l’horizon 2030, le projet « parc sur l’Esplanade » occupera une vaste plage verte de cinq hectares, entre la Fontaine d’Agam et le Bassin Takis, qui se souviendrait, sur l’axe historique, des aménagements d’André Le Nôtre au jardin des Tuileries.
● 1 400 m2 Arbustes, potager et plantes aromatiques
● Accessible aux personnes à mobilité réduite
● Label Écojardin
Photo : CD92/Olivier Ravoire

L’ANTRE DES LICORNES
Paris Stock Exchange Euronext, immeuble Euronext (anciennement Praetorium, 2009). Architectes : Arte Charpentier et Robert Lewis Turner.
À l’emplacement de l’immeuble Bostik-Tetris (1983).
Quartier Reflets, Courbevoie.
Paris Stock Exchange Euronext est l’une des principales places boursières d’Europe. C’est ici que se détermine le fameux indice de référence CAC 40®, qui rassemble les capitalisations boursières des quarante plus grandes sociétés françaises. Euronext Paris est également le marché de référence pour les « licornes » françaises de la « tech », à savoir les start-ups valorisées à plus d’un milliard de dollars sans encore être cotées en Bourse.
● 800 sociétés cotées
● 5 300 investisseurs institutionnels
● 4,1 milliards d’euros échangés chaque jour
Photo : CD92/Olivier Ravoire

MISSION SUR LA DÉFENSE
Sapeurs-pompiers de Paris
3e groupement d’incendie et de secours, caserne de Courbevoie-La Défense.
En dépit de la mise en scène facétieuse qui leur donne l’allure, vaguement inquiétante, des astronautes vus par Brian de Palma dans Mission To Mars, la 28e compagnie du 3e groupement de sapeurs-pompiers de Paris, casernée à Courbevoie, ferait plutôt dans l’intervention bienveillante et le secours aux personnes. La compagnie à l’emblème d’éléphant couvre les deux tiers du quartier de La Défense, le reste relevant de la caserne de Puteaux. Leur domaine d’expertise concerne aussi bien la surface que les tours et les sous-sols, les flux ferroviaire et automobile que le front de Seine. Ici, moins d’incendies qu’ailleurs et pas de scénario catastrophe à La Tour infernale – les normes des immeubles de grande hauteur sont particulièrement rassurantes –, mais essentiellement du secours à victimes, du malaise à l’entorse, avec un « coup de feu » aux heures de pointe du matin et du soir.
● 58 sapeurs-pompiers
● 5 camions dont 2 ambulances
Photo : CD92/Olivier Ravoire

CENTRAL PARK
Parc départemental André-Malraux (1977-1980).
Paysagiste : Jacques Sgard. Nanterre.
Imaginé selon les vœux du ministre André Malraux comme un parc culturel – d’où l’implantation du théâtre des Amandiers et de l’école de danse de l’Opéra de Paris –, modelé avec les déblais des fondations des tours de La Défense, il a fleuri en toute liberté comme un paysage ouvert, accessible en permanence, avec ses pleins et ses déliés, ses buttes et ses pelouses, autour d’un lac artificiel, comme lui en courbes tracées, où nichent le bruant des roseaux et la rousserolle effarvatte. C’est un parc où vont les bêtes et les gens, c’est le verger symbolique de La Défense. À l’arrière-plan, derrière La Verticale, l’œuvre en bronze de Jacques Swobada implantée par le Département en 2023, les « tours Aillaud », que leur architecte avait dessinées dans la perspective du parc comme des tiges montées en graine jusqu’aux nuages. Six d’entre elles bénéficient d’une réhabilitation à très grande échelle dans le cadre du dispositif départemental de rénovation urbaine Quartier d’Avenir.
● 25,4 ha
● 5 000 m2 de jardin de collection
● 400 espèces végétales
● Label Eve® (Espace vert écologique)
● Label Refuge LPO (Ligue pour la protection des oiseaux)
Photo : CD92/Stéphanie Gutierrez-Ortéga

VIVRE AU RIVAGE…
Vive les Groues (2018).
Préfiguration du futur quartier des Groues, Nanterre.
C’était une friche urbaine, une « parenthèse à ciel ouvert », une « folie » à Nanterre comme on désignait autrefois les campagnes feuillues en lisière de ville. C’est aujourd’hui un jardin des possibles – on y prend le vert, on jardine, on musarde – un entre-deux reliant plusieurs mondes, animé par des associations. Ce sera demain un nouveau quartier de La Défense à la sobriété énergétique très surveillée, estudiantin et résidentiel. Et c’est par-dessus tout un quartier connecté : à ses voisins de Nanterre, Courbevoie et La Garenne-Colombes par les circulations douces, à toute la région par le RER E et la future ligne 15 Ouest du Grand Paris Express. Car quand La Défense s’est implantée à partir des années cinquante, la dalle et ses sous-sols ont dressé une citadelle ceinturée de bitume, enclavée, coupée de son environnement. Paris La Défense, dans ses aménagements d’aujourd’hui et de demain, négocie les frontières topographiques pour, en quelque sorte, « lever le siège » en douceur, et transformer le barrage en rivage.
Horizon 2030 :
● 10 500 habitants
● 4 ha d’espaces verts
● 1 400 arbres plantés
● 40 % des logements
en structure bois
Photo : CD92/Olivier Ravoire

LA CATHÉDRALE DE L’INDUSTRIE
CNIT (1958).
Architectes : Robert Camelot, Jean de Mailly, Bernard Zehrfuss.
Conception : Nicolas Esquillan.
Panneaux vitrés créés à l’origine par Jean Prouvé.
Parvis de La Défense, Puteaux.
Le Centre national des industries techniques (Cnit) ressemble à un œuf d’où La Défense aurait éclos. L’établissement public d’aménagement de La Défense est d’ailleurs créé juste avant son inauguration en 1958 par le général de Gaulle, en présence d’André Malraux qui convoque la mémoire des bâtisseurs de cathédrale. De l’œuf, sa voûte rappelle la coquille, vingt fois plus fine à son échelle ! Aujourd’hui encore la plus grande voûte autoportée au monde, c’est un voile de béton tout autant qu’une voile aérienne tendue entre trois points d’appui, une feuille au vol suspendu, l’esprit gothique dans l’air du XXe siècle. Un idéal d’équilibre entre la physique qui la contraint et le progrès qui la déploie…
● 218 m d’envergure
● 46 m à son point le plus haut
● Coque de 65 mm d’épaisseur
Photo : CD92/Olivier Ravoire