Le premier quartier d’affaires d’Europe veut réduire de moitié ses émissions d’ici 2030. Cette transformation est déjà bien engagée, à l’image de l’appel à projet mixtes et bas carbone Empreintes.
Seul « quartier vertical » de l’Hexagone, avec soixante-et-une tours classées Immeubles de grande hauteur (IGH), Paris La Défense consomme autant qu’une ville de province, soit un million de tonnes en équivalent CO2. Second poste après les transports, l’activité immobilière et l’énergie représentent 45 % de ces émissions héritées de l’âge du pétrole. « Soixante ans après l’avènement de ce quartier, nous avons souhaité renouer avec l’élan visionnaire et stratégique qui avait présidé à sa création afin de répondre aux défis du siècle avec un objectif clair : devenir le premier quartier d’affaires post-carbone de dimension mondiale », explique Georges Siffredi, président du Département et de Paris La Défense (PLD : l’établissement public gestionnaire et aménageur du quartier d’affaires, Ndlr). « Nous nous sommes donnés jusqu’à 2030 pour abaisser de 50 % nos émissions par rapport à 1990, année de référence de la Stratégie nationale bas carbone », précise Céline Crestin, directrice de la stratégie et du développement responsable de PLD. Ainsi paré d’une nouvelle « raison d’être », l’établissement veut associer toutes les forces vives à la réflexion de son futur décarboné.
40 % DE BAISSE DE CONSOMMATION
Vue lors des états généraux des tours, colloque fondateur en 2023, cette synergie entre maires, architectes, bailleurs… a produit dix propositions concrètes, partagées en octobre 2024 par l’Association des Utilisateurs de La Défense (AUDE), dans une étude sur l’avenir du quartier. Pas moins de « la moitié préconise des évolutions règlementaires » afin de libérer l’innovation dans les modes constructifs. L’initiative est déjà gravée dans le marbre d’une charte d’engagements réciproques : le futur sera « mieux aménagé » et « mieux construit » pour « mieux vivre ensemble ». « En un an, nous avons convaincu vingt-deux signataires dont le Département, engagé à la fois comme utilisateur, propriétaire et acteur de l’immobilier dans la décarbonation, indique Céline Crestin. Vingt-deux, cela peut sembler peu mais les niveaux de cette charte dépassent les normes : elle s’adresse clairement à des acteurs ayant une forte maturité RSE (responsabilité sociale et environnementale des entreprises, Ndlr). »
Conjuguant réduction de l’impact et rentabilité économique, Paris La Défense Cities Can B – un mouvement international incluant Barcelone et Genève – invite, pour sa part, les entreprises volontaires à l’auto-évaluation. « La labellisation B Corp repose sur un questionnaire de diagnostic (achats, gouvernance…) déterminant les niveaux de maturité et les voies de progrès, en s’appuyant sur une communauté d’entraide. » Déjà, une troisième promotion sera intégrée en mars. Pour stimuler les réflexes de sobriété, il y a aussi le concours Cube, à sa 3e saison en 2024-2025. « Ce programme a été le pionnier de nos actions collectives pour remplir les exigences du décret tertiaire (décret d’application de la loi ELAN, imposant 40 % de baisse de consommation en 2030 dans les bâtiments à usage tertiaire, Ndlr) et vise 15 % d’économies d’énergie par participant ». Un objectif à la portée des primo-candidats, à l’image de la préfecture des Hauts-de-Seine – un bâtiment des années 1970 – parvenue à doubler la mise.

QUATRE PROJETS BAS CARBONE
Eu égard à son âge moyen – 21 ans – et à son taux de restructuration – 31 % -, l’enjeu principal reste le parc de bureaux lui-même, à rénover structurellement en limitant les déchets. Raison pour laquelle l’établissement a rejoint en 2023 le Booster du réemploi, une initiative collective, et privilégie la rénovation à la démolition-reconstruction, comme pour les tours Aurore et Ariane. « Si le baromètre de l’immobilier tertiaire fait état d’un fort retour de la demande en 2024, tout un stock est en risque d’obsolescence, constate Céline Crestin. Mais celui-ci pourrait très bien être transformé en offre résidentielle ou en services à destination des étudiants, par exemple. » De ce fait, des réflexions sont en cours. À la fois initiateur et bénéficiaire, Paris La Défense s’engage résolument avec Empreintes, un appel à projets urbains innovants (APUI), mixtes et bas carbone. Avec des contraintes propres à chacune, quatre parcelles gagnées sur l’emprise des voiries accueilleront avant tout des bâtiments résidentiels, à l’image de Flora en 2024 – 88 logements en structure bois biosourcé – et de la Forêt des Groues courant 2025 à Nanterre.De part et d’autre de la dalle, Demi-Lune, Jean-Moulin, Liberté et Synapses ont trouvé leurs groupements lauréats ; avec la phase préalable au permis de construire, les promesses de vente sont attendues pour le deuxième trimestre.
UNE SOLUTION DE « CO-LIVING »
« Synapses appelle des technicités encore inconnues en France, et nécessite un travail conséquent de R&D de la part de notre groupe, explique Sophie Meynet, directrice générale immobilier résidentiel chez GA Smart Building. Aucune tour de cette hauteur, en modulaire 3D bois, n’a jamais été réalisée en France avec la nouvelle réglementation environnementale, au seuil de 2028 (plus stricte avec les immeubles de dix étages et plus, Ndlr). » « Miracle » de la fabrication hors-site, ses 280 modules, voués à épouser le boulevard circulaire dans le quartier Coupole-Regnault, arriveront tout frais équipés, structurés et porteurs. À raison de six à huit poses par jour, rythme limitant l’emprise et le balai des camions, le chantier devrait afficher un gain de temps estimé par Sophie Meynet à 30 %. « Seuls les planchers coupe-feu et le socle seront en béton ; raccordées à la géothermie, des dalles actives mettront en température le bâtiment été comme hiver, avec à la clef une infime consommation individuelle ; enfin la façade dotée d’isolants biosourcés filtrera l’air pour une meilleure hygrométrie. » L’atout bois, avec un impact « plutôt positif » sur la durée de vie du bâti, aura de quoi séduire les adeptes de « co-living » : l’agencement évoquera en effet ce mode de vie destiné au jeune cadre, mariant espaces privatifs et semi-communs partagés à l’échelle d’une colocation d’une dizaine de personnes. « De Synapses, on retiendra surtout son exemplarité, avec un taux voulu record de réemploi de matériaux. Moyennant leur incorporation à même la structure des modules, du gros œuvre à la finition, jusqu’à 40 kg de CO2/ m² pourraient être évités. » Démarrage prévisionnel du chantier fin 2026-début 2027.