Entre Clairefontaine où il est sélectionneur des U18 et son académie d’Issy-les-Moulineaux, le champion du monde 98 Bernard Diomède consacre sa « vie d’après » à l’éducation « pour le football et par le football ».
Des champions du monde 98 posent, tout sourire, aux côtés de jeunes « académiciens », nécessaire part de rêve qui côtoie, en ce début d’année scolaire, des cartons débordants d’équipements à distribuer. Le site d’Issy, siège de l’académie Diomède, est le premier des sept à avoir ouvert, en 2008, en partenariat avec l’établissement scolaire La Salle Saint-Nicolas. Le projet puise ses racines loin dans la première vie de Bernard Diomède, celle du joueur alors frais émoulu du centre de formation d’Auxerre : « Avec mes potes, Rachid, Sékou et Jérôme, on avait remporté la Coupe Gambardella, raconte-t-il. À 18 ans, je suis pourtant le seul à avoir signé chez les pros alors qu’on avait le projet de réussir ensemble. Ça m’a marqué ». Chacun a suivi son chemin – « l’un a fait des études, les autres se sont débrouillés ». De son côté, pro pendant quatorze ans, fort du doublé Coupe de France-Championnat en 1996 avec l’AJ Auxerre qui lui a ouvert les portes de la sélection nationale, Bernard Diomède a rangé ses crampons en 2006, auréolé d’un titre de champion du monde.
Scolaire, social, sportif
Deux ans après, réputé travailleur et tenace, il fondait l’association avec sa femme Delphine, professeur d’EPS. Au-delà d’un classique sport-étude, l’académie est une structure innovante ou le football n’est pas une finalité mais un moyen éducatif de préparer le jeune à sa vie d’adulte. Sa philosophie est d’« éduquer pour le football et par le football » en créant des ponts entre les terrains de sport – où « le foot réunit » – et l’environnement des jeunes au sens large : éducateurs, professeurs, parents… « Sur le terrain, le jeune va respecter l’entraîneur car il est passionné par son sport. Cette passion peut devenir un moteur pour le faire grandir. Il apprend qu’il faut mettre le même soin à faire son sac de sport que son sac de cours. » Le projet se veut triple, « sportif, scolaire mais aussi social », explique celui qui, « élevé dans l’ouverture aux autres », prône « la mixité sociale et culturelle ». Les valeurs de respect, de tolérance et de partage se déclinent sur les pelouses et au travers de cinq « programmes éducatifs et citoyens » dont l’accompagnement professionnel. Les jeunes, fait-il valoir, peuvent devenir « journaliste sportif, kiné, content manager » Si une poignée deviendront footballeurs pro, la grande majorité doit construire son avenir avec un plan B voire d’un plan C. Car comme il aime à le répéter : « le rêve est gratuit mais la réalité a un prix ».
France 98 soutient notre association et nos jeunes à travers notre événement caritatif, la Diomède Cup.
Sélectionneur
En plus du diplôme universitaire de manager général obtenu en 2009, Bernard Diomède a souhaité passer ses diplômes d’éducateur sportif puis d’entraîneur professionnel – aux côtés de Zinédine Zidane et de Claude Makélélé. L’académie est pour beaucoup dans ce rebond en formation. « Je me basais surtout sur mon vécu pour intervenir sur le terrain auprès des jeunes, je manquais de légitimité même si j’avais la crédibilité sportive », juge-t-il. Dans la foulée, en 2015 la Fédération lui propose le poste de sélectionneur des U17 où son expérience, tant du haut niveau qu’auprès des jeunes de l’académie, lui est précieuse. « La présence que j’ai accumulée à l’académie m’aide à découvrir les joueurs. Ce sont des jeunes avant tout. Ils ont les mêmes codes, écoutent la même musique, regardent les mêmes films et partagent parfois la même culture. » Bernard Diomède a depuis accompagné différentes classes d’âge, passe désormais l’essentiel de son temps au centre national du football de Clairefontaine même s’il s’implique toujours à l’académie comme bénévole pendant son temps libre et répond bien sûr présent lors de la Diomède Cup – un événement annuel au profit de l’association. « Nous sommes entourés par tout un écosystème. France 98 nous soutient depuis le début mais aussi des sportifs rencontrés au cours de ma carrière : Claude Makélélé, Olivier Dacourt, Habib Beye, Olivier Girault, Muriel Hurtis, Fabrice Santoro…»
Précurseur
La galaxie Diomède, qui forme désormais 300 jeunes par an – contre une quinzaine au départ du projet – continue de se développer. Un septième site vient d’ouvrir à Bourges sur les terres où a grandi le président fondateur qui envisage maintenant d’aller « écrire l’histoire aux Antilles » où sont aussi ses racines. Grâce aux partenaires publics et privés, la prochaine étape sera d’imaginer un espace plus vaste avec « des bureaux, des salles pour les formations et des terrains ». Preuve de maturité et de longévité, une association des anciens vient d’être créée. « C’est lorsqu’on voit leurs parcours que l’on sait pourquoi on a fondé l’académie, estime-t-il. Ils travaillent dans des univers très différents, dans le sport ou en dehors, mais ce qui me rend le plus fier, c’est qu’ils deviennent des ambassadeurs de nos valeurs et qu’ils transmettent, à leur tour, ce qu’ils ont appris. » Si, depuis, il a fait des émules dans la jeune génération – le champion du monde 2018 Kylian Mbappé a, par exemple, créé « Inspired by KM » – le petit bonhomme, comme l’appelait Aimé Jacquet, restera comme le grand précurseur.
Pauline Vinatier