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TRAMWAY T10 LE GRAND DÉFILÉ

Après deux ans de travaux, les rames élégantes du nouveau tramway se dévoilent sous les yeux des habitants du sud des Hauts-de-Seine. Des essais sur les 6,6 kilomètres de tracé pour préparer la mise en service en juin.

Chaque rame passe une longue batterie de tests. Accélérations et freinages d’urgence permettent d’évaluer la robustesse du matériel mais aussi celle de l’infrastructure réalisée par Île-de-France Mobilités.©Cyril Badet

Elle a pointé le bout de son nez pour son premier tour d’essai cet automne, à deux pas de l’atelier-garage de Châtenay-Malabry. Un signal fort après deux ans de travaux. Rutilante au sortir des ateliers d’Alstom à La Rochelle, cette première rame, aux couleurs bleue et blanche du transporteur francilien, inaugure une série de treize livrées les unes après les autres jusqu’en mai prochain. « Ces premiers essais permettent de s’assurer que la rame correspond bien à nos attentes. Une fois jugée conforme, elle est réceptionnée auprès du constructeur », explique Marine Lerch, chargée de projet T10 chez Île-de-France Mobilités. Entre le carrefour du 11-Novembre à Châtenay-Malabry et le Parc des Sports, au Plessis-Robinson, soit 800 mètres, cette première rame a été soumise à des tests intenses : accélérations, freinages d’urgence lestée de sacs pour reproduire la charge des voyageurs, sorties nocturnes par visibilité faible… Aux commandes, un conducteur expérimenté de la RATP qui sera le futur exploitant de la ligne via sa filiale Cap Île-de-France. « L’intérêt de ces essais sur piste est de tester non seulement le matériel roulant mais aussi la robustesse de l’infrastructure du T10, poursuit Marine Lerch, qui voit, avec une satisfaction non dissimulée, se concrétiser ce grand projet. On s’assure que la rame ne fait pas de bruits bizarres en freinage d’urgence, qu’elle ne tangue pas, qu’elle ne vient pas taper un quai de station. On évalue aussi la bonne réception des signaux d’alerte. » La nouvelle recrue a passé haut la main cette batterie d’exercices, d’une durée d’un mois. « Sans grande surprise », ce matériel ayant fait ses preuves sur le T9 : il s’agit là de la « rame lumière », identifiable à ses larges baies vitrées et à son liseré lumineux continu, gage de sécurité.

Dans cette grande halle lumineuse, équipée d’une voie sur fosse et de ponts roulants, les techniciens pourront prendre soin des rames dans les meilleures conditions.©CD92/Olivier Ravoire
La station de lavage, la halle de maintenance et la voie de remisage, où le matériel va passer la nuit, voisinent sur un même site de 3,5 hectares, reliés entre elles par un circuit interne.©CD92/Olivier Ravoire

Maison du tramway

Si son adresse se limite pour quelque temps encore à des coordonnées GPS, l’atelier-garage, sorte de « maison du tram », est désormais prêt. À Châtenay-Malabry, en limite du Plessis, il occupe 3,5 hectares à mi-distance du tracé. Le bâtiment, fruit d’un concours d’architecture, inscrit dans le paysage sa silhouette rectangulaire, bardée de lames de terre cuite. Autre particularité, les coussins d’air de son toit qui isolent de l’extérieur tout en laissant se déverser la lumière. À l’entrée, une voie de communication croisée donne plusieurs choix aux rames : la station-service et de lavage, avec ses immenses rouleaux à la mesure du tramway, la voie de remisage pour la nuit et enfin la grande halle avec ses voies sur fosse et ses ponts roulants, sous neuf mètres de plafond, où les techniciens pourront se livrer aux interventions les plus variées « du retrait d’un caillou au remplacement d’un boggie ou d’un climatiseur ». Enfin l’atelier-garage héberge les locaux administratifs et d’exploitation, en particulier le poste de commande centralisé, centre névralgique du tramway T10 et du réseau de bus Vallée de Bièvre, dont les huit lignes desserviront l’intérieur des quartiers.

Le tracé, cheminant le long de grands axes départementaux, marque la carte du sud des Hauts-de-Seine d’un grand L, qui s’incurve au niveau du carrefour du 11-Novembre, à Châtenay. Sur 6,6 kilomètres, le T10 desservira Antony, Châtenay-Malabry, Le Plessis-Robinson et Clamart via treize stations – protégées et parées d’un auvent Art déco -, entre les terminus Croix de Berny et Jardin Parisien. Il doit venir dynamiser un bassin de vie de 175 000 habitants, en favorisant les déplacements non seulement entre communes mais aussi de banlieue à banlieue et vers Paris grâce à deux correspondances majeures, l’une à la Croix de Berny – avec le RER B et le bus Trans-Val-de-Marne (TVM) -, l’autre à Hôpital-Béclère avec le T6. Au-delà de Jardin Parisien, un prolongement du T10 vers une station de la ligne 15 sud du Grand Paris Express, encore à l’étude, viendrait encore renforcer les possibilités de déplacement. Ce projet fera l’objet d’une concertation publique en ce début d’année.

Façade à façade

Le vaste chantier conduit par le Département et Île-de-France Mobilités, l’un pour les aménagements urbains, l’autre pour les systèmes de transport, touche aujourd’hui à sa fin. « Environ 70 % des aménagements sont livrés. Le reste interviendra au printemps après la période hivernale que nous mettons à profit pour effectuer les dernières plantations. Il s’agira de poser des enrobés, des marquages au sol et des mobiliers urbains », précise Fazia Tamaloust, chargée de projet T10 au Département. Les correspondances et leur environnement font partie des derniers secteurs en travaux et ont été travaillés en vue de fluidifier les circulations. À la Croix de Berny, pour rejoindre la nouvelle gare du RER B avenue Charles-de-Gaulle et le TVM, les voyageurs n’auront ainsi qu’une rue à traverser tandis qu’à Béclère, un cheminement en pente douce connectera le T10 au pont du T6. Ici comme partout ailleurs, la ville est métamorphosée de façade à façade. Le défi d’une telle opération a été « d’introduire le tramway sur des axes principalement routiers, tout en recréant un espace pour tous les usagers. » La circulation automobile et les stationnements, indispensables à la vie locale, sont conservés mais les piétons disposent désormais de trottoirs plus larges et les cyclistes d’un itinéraire continu de chaque côté, de nombreux arceaux vélo et de deux parkings vélos sécurisés au niveau des correspondances. Au passage, la ville a verdi. Plus de 1 000 arbres, des essences adaptées au climat, auront été plantés au total, auxquels il faut ajouter des arbustes, des zones enherbées et une plateforme entièrement engazonnée, qui déroule son long ruban vert. « Tout ce qui a pu être végétalisé l’a été », résume Fazia Tamaloust. Autour de cette voirie requalifiée et à l’intérieur des quartiers, les projets fleurissent dans un tissu urbain en pleine mutation : La Vallée à Châtenay-Malabry, Plessis Capitales, au Plessis-Robinson, Jean-Zay à Antony… tandis que la Cité-jardin de la Butte Rouge fait l’objet d’une grande réhabilitation.

Le T10 est aussi un grand projet urbain qui a conduit à redessiner l’espace public de façade à façade. Le long du tracé, la ville se transforme et de nombreux projets voient le jour.©CD92/Olivier Ravoire

Ballet final

En ce début d’année, l’électrification de la ligne permet aux rames, testées les unes après les autres pour écarter tout défaut, de s’élancer sur les 6,6 kilomètres. Ce n’est plus une piste d’essai mais l’ensemble du tracé qui a pris vie. L’interface avec les feux de signalisation du Département est testée et, surtout, explique Marine Lerch, « le territoire s’habitue à voir des rames circuler avec priorité aux carrefours ». Armés d’outils ludiques – blind test, carnet recensant les bons gestes – les agents de proximité déployés depuis deux ans par les deux maîtres d’ouvrage concentrent leurs efforts sur ces essais. Les visites se multiplient dans les établissements scolaires, les zones d’activités ou encore les maisons de retraite. « Dès que le tramway circule, même à vide, il y a des règles à respecter pour éviter tout accident, rappelle Fazia Tamaloust. Il faut avoir les bons réflexes, comprendre les sons qu’il produit, savoir qu’on ne doit pas traverser la plateforme n’importe quand… » Ces essais à grande échelle se prêtent aussi à la mise en place de « scénarios catastrophe » : traversée inopinée d’un passant sur la plateforme, déraillement, tramway bloqué, imposant de réagir au plus vite. Au plus fort de cette nouvelle étape jusqu’à neuf rames circuleront en « carrousel » de façon à simuler l’heure de pointe. Après ce ballet final orchestré par Île-de-France Mobilités, en mai prochain les clés de l’atelier-garage seront remises à l’exploitant. Le début d’une grande répétition générale dont la partition reviendra cette fois aux conducteurs, mécaniciens et superviseurs RATP, véritables protagonistes avec le territoire de ce dixième tramway francilien.

Pauline Vinatier
tram-t10.iledefrance-mobilites.fr

 

 

Une concertation publique sur le prolongement du T10

Deux scénarios sont envisagés pour le prolongement du tramway vers la gare de Clamart, en correspondance avec la future ligne 15 du Grand Paris Express (GPE) : le premier en surface sur 3,9 km via Place du Garde ; le second en tunnel sur 3,1 km, actuellement privilégié. Une concertation publique, en vue d’informer et d’associer la population, se tiendra au premier trimestre 2023 sous l’égide de la Commission nationale du débat public. Les modalités complètes en seront connues courant février.

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