Le refuge incarne un modèle ou les animaux sont traités avec dignité et où leurs besoins physiques et émotionnels sont respectés. Photo : CD92/Olivier Ravoire
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À GENNEVILLIERS, UN NOUVEL ÎLOT DE BIEN-ÊTRE ANIMAL

Soutenu par le Département, le nouveau vaisseau amiral de la SPA a été pensé pour permettre les interactions entre les animaux et avec les visiteurs. Leurs chances d’adoption s’en trouvent renforcées.

Par Pauline Vinatier

 

Dès l’nstant où Pénélope et Mélanie poussent la porte du chenil, l’heure a sonné pour Nala, Ticko, Uky et compagnie de la douce mélodie des croquettes déversées dans les gamelles. Les agents animaliers observent les régimes indiqués sur un tableau et s’enquièrent des arrivants de la veille. « On cherche à savoir si le chien est craintif, fugueur, ou s’il fait de la protection de ressources, explique Mélanie Legiret. Dans ce cas on jette les croquettes à terre. » Seuls les élus du jour à la promenade sont « non nourris » en prévention des retournements d’estomac. « Quand ils voient arriver les bénévoles, ils sont comme de petits gosses », sourit Pénélope Gschwind. Tout au long de la matinée, emportés par un même élan, molosses ou cabots tractent leur accompagnateur tel un pantin vers les Chanteraines, les bords de Seine ou l’Île-Saint-Denis, non loin du nouveau refuge.

 

Proche de la Seine, ce refuge sur pilotis est protégé contre les inondations. Ses trois chenils sont orientés est-ouest pour laisser entrer la lumière.© CD92/Olivier Ravoire

Le site de Grammont, ouvert en 1973, n’était plus aux normes et la pression urbaine trop forte aux alentours. Il a été question un temps de se transporter plus loin de Paris mais le projet s’est vite recentré sur Gennevilliers. Le Dog’s House, de fondation Gordon Bennett, fut créé en 1903 dans cette ville emblématique, cinquante ans après que le général de Grammont fit voter une loi pionnière de protection animale. « Gennevilliers est notre seul site en petite couronne pour 7 millions d’habitants. C’est aussi le plus actif. En 2023, 3 500 animaux ont été adoptés, deux fois plus que dans notre deuxième refuge », expliquait, début novembre, lors de l’ouverture, le général de gendarmerie Jacques Charles Fombonne, président de la SPA. La protection animale est-elle affaire de militaires ? En tout état de cause, celui qui se présente comme « l’un des 5 000 bénévoles » de l’association a su conduire tambour battant ce déménagement engagé il y a vingt-cinq ans, en bonne intelligence avec la municipalité. Objet d’un échange avec la ville, le site des Louvresses, une friche Gaz de France, est près de trois fois plus grand mais plus éloigné des transports. La Région, accommodante, a pris une dérogation pour autoriser les adoptants à monter dans le bus avec un chien. 

 

Ordinaires, hypoallergéniques ou « spécial diabète », les régimes alimentaires sont propres à chaque animal.© CD92/Olivier Ravoire

 

Chats et chiens sont pucés, vaccinés, stérilisés selon leur âge et soignés si besoin par l’équipe vétérinaire.© CD92/Olivier Ravoire

ARCHES DE NOÉ

Dans ce nouvel archipel, les trois chenils et la chatterie, reliés par des passerelles, surplombent, tels des arches de Noé, la cuvette des parkings. La capacité a été ramenée de 500 à 300 places pour plus de confort. « Ce projet est au service du bien-être, de manière à créer les conditions d’un coup de foudre avec la famille. C’est une réalisation innovante que l’on aimerait dupliquer », poursuit le président de la SPA, frappé de son propre aveu « par l’aspect carcéral » de certains refuges. « L’enjeu était de faire un parc animalier, pas une prison, et de faciliter la sociabilisation des animaux », renchérit l’architecte, Pascal Maréchaux. La luminosité, l’organisation et l’isolation phonique des chenils concourent à réduire le stress des occupants qui prennent l’air et batifolent dans de nombreux enclos et partagent leur box si leur caractère s’y prête. « Il n’y a pas photo !, s’exclame Julie Rojo, la chef d’équipe. Avant, les chiens étaient très proches et en vis-à-vis, ils se voyaient tous, s’entendaient tous, ils étaient énervés, aboyaient beaucoup et sortaient peu. Quand je suis allée les voir après le déménagement, ils dormaient en pleine journée dans leur panier. »

la capacité a été ramenée de 500 à 300 places pour plus de confort.

VICTIMES DE LA MODE

D’expérience, la queue entre les jambes et les tremblements des premiers jours laisseront place à davantage de sérénité. Échantillon de gent canine ordinaire un matin d’hiver : Vinyl et Wolfy, « deux grands bébés », jouent dans leur box double ; Uky, un croisé griffon, extirpé de la cage, reprend goût à la vie ; le chihuahua Mickey, « petit mais gueulard », aboie pour exister. Et de ses yeux mordorés, Nino captive à tous les coups Céline. « Il était méfiant mais je l’ai travaillé à la friandise, raconte la bénévole. Quand je passe devant son box, on a notre petit moment ensemble. » Deux tiers des chiens proviennent de fourrières, dont celle attenante, et sont d’abord de parfaits inconnus. Un référent éducatif prend en main les plus difficiles, à l’image de Pénélope avec Ticko. « Sa problématique, ce sont les émotions. Quand il réagit à un stimulus, je lui dis “tu attends”, “tu laisses” ! S’il répond bien, il a une récompense ou une caresse. » Pour les abandons, sur rendez-vous, la liste d’attente est longue et les motifs prévisibles : séparations, déménagements, départs en maison de retraite ou décès, quand il ne s’agit pas de simple inconséquence. « Les gens prennent des chiens sur un coup de tête ou parce que c’est à la mode, sans se renseigner sur les besoins de la race, il y a quand même une génétique ! La palme va aux dogues, aux chiens de type staff (american staffordshire terrier, Nldr) et aux malinois », s’indigne Julie Rojo.

CÂLINS ET MAMOURS

À l’écart des chenils, la chatterie accueille jusqu’à deux cents félidés, séparément les uns des autres, dans ses salles Azraël, Chatpatrouille ou Berlioz. « Notre public vit en appartement et les chats partent souvent en moins de dix jours (plus d’un mois en moyenne nationale, Ndlr). Ils ne sont pas à jour de tous leurs vaccins », explique Julie Rojo. Seule exception, trois salles en communauté pour les porteurs du sida du chat, les chats souffrant de problèmes bucco-dentaires ou les plus craintifs – dans la salle Entrechats ! Simon Marie, l’un des assistants vétérinaires, termine sa ronde dans la « clinique » réservée aux chats de fourrière en observation, aux malades et aux « éclopés ». Rescapé d’un choriza, Milou accepte les gouttes versées d’une main preste : « Mimi est très cool ! Avec d’autres, j’y laisserais la main, l’avant-bras, voire l’épaule ! » Il voisine avec Minnie, « un peu dans le gaz » après son anesthésie et avec « l’adorable » Poppy affecté dont la maladie de peau réclamera un traitement à vie. Pour les animaux nécessitant des soins, la SPA a créé le tarif réduit « SOS » et le dispositif « familles d’accueil définitives ». L’euthanasie, « un mot que beaucoup ici ont du mal à prononcer », n’est pratiquée qu’en dernier recours. Entre deux coups de serpillère, les « câlins et les mamours » des bénévoles ont aussi leur importance : ils détendent les animaux pour les soins et feront « redescendre en excitation » les plus « intouchables » chats de fourrière en vue d’une mise à l’adoption.

Des enclos de détente, lieux de défoulement et de sociabilisation, ont été introduits aux abords des chenils.© CD92/Olivier Ravoire
La SPA espère enregistrer aux Louvresses plus de 3 000 adoptions par an. Ces dernières semaines, des franciliens de tout poil sont venus en nombre découvrir le nouveau refuge.© CD92/Olivier Ravoire

SOIGNER LES PRÉSENTATIONS

Si tous s’accordent à dire que le plus gratifiant est de trouver un foyer à leurs protégés, « l’adoption responsable » est un leitmotiv. « Accueillir un animal à la maison, c’est un peu comme l’arrivée d’un enfant, un chamboulement total, prévient Julie Rojo. Inutile de penser repartir avec le husky aux yeux bleus ou le petit chiot mignon sans s’être renseigné avant et si l’on n’a pas un profil adapté. » Dominique et Valérie le conçoivent bien : « On vient à la SPA pour donner une chance à un animal en difficulté et que le processus soit très cadré est plutôt de nature à nous rassurer. » Pour un chaton, ce couple d’Argenteuil devra repasser. Les petits, sevrés en famille d’accueil, n’arrivent qu’au compte-gouttes, leur explique Aline, une bénévole. Du côté des chenils, la visite est libre et c’est en toute intimité que s’échange le premier regard. « Ceux qui ont un coup de cœur reviennent nous voir. On creuse à partir de leur fiche de renseignements pour voir si leur environnement et leur mode de vie correspondent », précise Pénélope. La suite consiste en une entrevue en enclos suivie, si l’idylle se confirme, d’une promenade : aux adoptants la laisse, le bénévole « tient la chandelle ». Olivier a franchi ces étapes et patiente, un harnais neuf à portée de main, impatient de repartir avec Maya, « réservée » le temps de sa stérilisation. « Les quinze jours d’attente nous ont parus longs, explique cet habitant de Cergy. Ma compagne venait de perdre son épagneul breton et Maya était le seul du refuge. Dès qu’elle nous a vus, elle s’est mise debout ; elle était avenante et douce alors qu’elle a été maltraitée. On s’est tout de suite dit que c’était elle ! » Maya a-t-elle apprécié le son de leur voix, leur gestuelle et leur odeur ? Toujours est-il qu’elle fait la fête à Olivier comme si elle le reconnaissait. Moins d’un mois aura suffi pour qu’une telle rencontre se produise. « Il n’y a pas d’entre-deux, constate Julie Rojo. Pour les petits chiens sans problème de comportement, c’est rapide, pour d’autres il faudra beaucoup plus de temps. » Au bout d’un an, la règle est désormais le transfert vers un autre site pour offrir au chien un nouveau départ. Le réseau SPA en compte une soixantaine, à la ville comme à la campagne.

www.la-spa.fr

 

DÉVELOPPER LA RELATION HOMME-ANIMAL

En plus d’un parcours pédagogique consacré à la relation homme-animal, le site accueillera des démonstrations et des conférences dans son amphithéâtre extérieur. L’ambition était de proposer un lieu ouvert sur la cité où se promener en famille et accueillant tous les publics. « Ce refuge s’ouvrira à nos aînés et s’adressera à nos jeunes, et notamment nos collégiens en les sensibilisant à la condition animale. Ces actions innovantes ont toute leur place dans le cadre des politiques que les Départements franciliens mettent en œuvre », souligne Georges Siffredi. À ce titre, la moitié de l’enveloppe de 16,25 M€ provient des partenaires publics dont 1,9 M€ du Département à travers le Fonds de solidarité et d’investissement interdépartemental (FS2i).

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