Finisher du Vendée Globe 2020 et licencié du club Nautique Seine, Stéphane Le Diraison travaille sur des voiliers bas carbone en accord avec son engagement pour les océans et appelle à « réinventer la course au large ».
En février 2021, Stéphane Le Diraison bouclait son tour du monde à la voile en solitaire et sans assistance en 95 jours, exploit réservé depuis 1989 à une petite centaine de navigateurs. Sous la bannière « Time for Oceans », plaquée sur sa grand voile, le sportif défendait la cause des océans. « Les océans sont au cœur de tous les équilibres, on dit qu’on leur doit une respiration sur deux, sans eux il n’y a plus de vie. Or ils sont menacés par nos activités à terre ! », répète-il à l’envi. Quatre ans plus tard, les organisateurs de cette course s’en font l’écho. Au départ des Sables-d’Olonne ce 10 novembre, l’édition 2024 s’est choisie pour mascotte le manchot Adélie, espèce du continent Antarctique affectée par le réchauffement climatique.
DÉTONATEUR
Le natif du Morbihan est une créature du large plutôt qu’un régatier. Propriétaire à quinze ans de son premier 6-mètres, il a goûté très jeune à la navigation en solitaire. Voisin de ponton d’Alain Gautier, vainqueur du Vendée Globe 1992 et de son dauphin Jean-Luc Van den Heede, il s’est senti dès l’adolescence appelé par l’« Everest des mers ». « Au-delà d’une épreuve sportive, c’est un chemin de vie pour tous les marins. » En 1999, le naufrage de l’Erika est le « détonateur » de son engagement. « J’ai pleuré toutes les larmes de mon corps en ramassant les oiseaux mazoutés et en même temps j’avais conscience d’être un utilisateur des ressources fossiles et de la pollution qu’elles généraient ; ça m’a éveillé à mes propres contradictions. » Les courses transocéaniques ont ensuite jalonné son parcours, en mini 6.50 puis en Class 40, avant l’arrivée sur le circuit Imoca en 2016. Sa belle 4e place sur la Route du Rhum 2014, rampe de lancement auprès des sponsors, lui permet d’acquérir un 60-pieds pour tenter son premier tour du monde.
AU NOM DE QUEL PRINCIPE LA VOILE POURRAIT-ELLE S’AFFRANCHIR DES ENJEUX ACTUELS ?
À la ville, cet ingénieur naval a pris pied en 2010 sur les bords de Seine, soutenu dans tous ses défis par la commune de Boulogne-Billancourt où il conserve un ancrage. De là date également son compagnonnage avec le club Nautique Seine, en face sur l’autre rive. Orateur né, il a eu l’occasion de sensibiliser le grand public et les écoliers par milliers, entre passion intacte et inquiétude croissante à mesure qu’il assistait à la dégradation de son « terrain de jeu » : algues proliférantes étouffant toute vie, filets meurtriers sur « cinquante kilomètres », glaces à la dérive barrant le passage aux marins. « Ce qui est nouveau également quand on en parle avec les anciens, ce sont les enchaînements répétés de phénomènes extrêmes ; vous pouvez avoir une dépression tropicale suivie d’une tempête cataclysmique. »
BATEAU BAS CARBONE
À rebours de la surenchère incarnée à ses yeux par les grands foils (appendices élevant la coque au-dessus de l’eau, Ndlr), il s’investit aujourd’hui dans l’avènement de voiliers bas carbone. « En Imoca, les émissions de CO2 ont augmenté de 80 % entre 2010 et 2020 et on a rendu obsolète une flotte entière de bateaux, dit-il. Au nom de quel principe la voile pourrait-elle s’affranchir des enjeux actuels ? Il faut réinventer la course au large. » Conçu à Vannes, un premier mini 6.50 affiche un gain en CO2 de plus 50 % pour une perte de performance dérisoire (2 à 3 %) grâce au recours au bois et à la fibre de carbone recyclée. Devraient suivre le Class.40 et pour finir l’Imoca en vue du Vendée Globe 2028. Une démarche suivie de près par d’autres navigateurs et par des universitaires, qui reçoit le soutien de l’Ademe. En parallèle, ulcéré par le greenwashing – « dire qu’on avance poussé par le vent, c’est un peu facile » – ce spécialiste des matériaux composites travaille avec d’autres « gens de la mer » à un référentiel de performance environnementale pour « donner davantage de visibilité aux bateaux vertueux ».