De retour en coupe d’Europe, le Club des Hauts-de-Seine soutenu par le Département arbore un visage remanié cette saison. Symboles du haut niveau au féminin, les Lionnes sont bien décidées à chasser les premières places au tableau.
Par Nicolas Gomont
Place à la contre-attaque. Dans un même élan, Élisa Techer et ses co-équipières se soulèvent vers le bastion adverse. Pour l’arrière partie bille en tête, ce sera la transversale mais qu’importe aux yeux du coach, l’intention est bien là. « C’est la bonne vitesse, la bonne accélération !, clame Stéphane Plantin à l’entraînement, un jour de novembre. Globalement le plan de jeu est en place, reste à trouver la carburation exacte ». Aucune de ses Lionnes – un surnom à faire frémir leurs proies – n’a figuré sur la liste de Sébastien Gardillou, le sélectionneur de l’équipe de France. Il n’en demeure pas moins qu’en décembre, l’Euro 2024 a infligé sa trêve hivernale, soit quatre semaines « blanches » avant la reprise début janvier. Et le classement ainsi figé de retenir leur belle 4e place, derrière Brest et Metz, les locomotives de la Ligue Butagaz Énergie – le championnat français. « Il va falloir tenir dans les cinq premiers », prévient l’arrière gauche Coura Kanouté, la qualification en coupe d’Europe en ligne de mire. Vainqueur de la Coupe de la Ligue en 2013, il manque ce titre européen au palmarès de Paris 92, l’égérie des clubs sportifs d’Issy. Trop tôt pour en faire sa cible ? Une chose à la fois, l’heure est à la qualification en European Ligue de l’EHF (European Handball Federation, Ndlr).
que ce soit en deux contre deux ou en cinq contre quatre, des jeux d’opposition permettent d’aiguiser cette griffe.
TRAVAIL D’ÉQUILIBRISTE
Plus qu’une saison, toute une époque a pris fin en 2024 ; celle des stars Déborah Lassource et Méline Nocandy, dont ne subsistent que les silhouettes stickées dans l’espace V.I.P. Trois arrivées, en comptant la revenante Soukeïna Sagna, ont dû faire oublier ces départs.
En sport co’, la coalition des contraires mène à l’impasse, alors « l’aspect mental » a présidé autant que « l’aspect physique » à ces recrutements. Et à raison de deux entraînements quotidiens, les occasions n’ont pas manqué de s’apprivoiser les unes les autres. « Que chacune trouve sa place, que des complicités se nouent, cela réclamera quand même du temps… », observe la pivot Astride N’Gouan. En provenance du Toulon Métropole VHB, le champion du monde – en tant que joueur – Stéphane Plantin est l’autre visage de ce nouveau départ. « Homme ou femme, je tourne mon management vers la performance, en l’appuyant sur le plus haut niveau international. La feuille de route fixée par la nouvelle présidence est ambitieuse : il nous faut exploiter tous les secteurs de jeu et chatouiller les sommets. » De son conducteur de saison, il ressort la quête d’un « entre-deux », où comment transmettre un « fond de jeu commun » sans freiner « l’esprit d’initiative ». « Au début, cela perturbait un peu la spontanéité des joueuses, se souvient Barbara Moretto, capitaine pour la première année de sa carrière. Mais on nous laisse finalement pas mal de liberté. » Et c’est au bord du terrain que ce travail d’équilibriste apparaît plus perceptible aux yeux du néophyte. Pour peu que celui-ci sache décrypter les expressions idiomatiques – prenons l’« enclenchement algérien » qui procède d’une « fixation externe »…
FENÊTRE DE FORME
Après des semaines de préparation physique, axées pendant l’été sur « la dynamique et la cohésion défensive », s’est imposé avec l’automne le projet de jeu offensif, focalisé sur la vitesse. « Constituer un bloc défensif solidaire mais entreprenant, ne pas subir mais provoquer… cela correspond aux profils des filles et à ce club » en première ligue féminine depuis 2010, dit Stéphane Plantin. Que ce soit en deux contre deux ou en cinq contre quatre, des jeux d’opposition lui permettent d’aiguiser cette griffe. Une trame d’entraînements assortie de sessions de coaching vidéo où, à huis clos, on recourt aux images pour faire pièce à ses adversaires. « Là par exemple, on a étudié les enclenchements – l’équivalent des combinaisons aux échecs – avant d’analyser notre prochain challenger et les parades à lui opposer en défense, explique la capitaine. Demain, même chose en attaque. » Sur le bas-côté, la gardienne Léa Serdarevic remet sa cheville douloureuse entre les mains de Dorian Risueno, en qui l’on trouve du réconfort en l’absence des kinés. « De la cheville au genou en passant par les épaules, les lésions musculaires, les ischio-jambiers… dans le handball, tout le corps peut être touché, souligne le préparateur physique. Plus rares sont les commotions, même si le handball reste un sport de contact. » Ancien préparateur au BLMA Basket à Montpellier, il suit de près la fatigue tant physique que mentale et mobilise tout un attirail technologique. À lui la supervision du cardiofréquencemètre et des exercices de détente verticale, smartphone en poche. À la diététicienne le suivi de l’hydratation cellulaire et de l’impédancemètre (instrument de mesure de la résistance d’un organisme à un courant électrique ou une pression acoustique, Ndlr). « Cela permet de cerner leur fenêtre de forme ou de “sur-forme” éventuellement », pointe-t-il.
TOUT POUR L’ATHLÈTE
Quand certains rivaux choisissent d’être « orientés force », Paris 92 s’efforce de s’orienter « tout pour l’athlète » et, aux petits soins, sollicite l’auto-évaluation des joueuses tant pour ce qui est des repas que de l’humeur et de la fatigue. Un ressenti à croiser ensuite avec les données informatiques. L’immersion dans le froid, jusqu’à -130° en cryothérapie, occupe le gros de la récupération avec la balnéothérapie, que complète l’énigmatique « pressothérapie » (bottes de compression qui viennent réduire l’afflux sanguin et engendrer un processus hormonal de récupération, Ndlr). Réveil musculaire, litre de café… à chaque fille sa routine d’avant-match. Pour Astride N’Gouan, rien ne remplace plus une balade en poussette. Comprenant qu’à 32 ans, elle devait mettre la « priorité sur sa vie personnelle », la jeune maman a été soutenue dans son « projet bébé » par le club, qui l’a réintégrée cette saison après un an d’arrêt. « Le plus dur, c’est d’apprécier un nouveau corps, de voir son jeu et ses repères changer, d’accepter sa baisse de régime », confie la pivot issue du Creps de Châtenay-Malabry. « On n’en parle pas assez, regrette Dorian Risueno, mais la maternité peut être difficile pour les athlètes, surtout les plus exigeantes envers elles-mêmes, qui se comparent toujours à ce qu’elles étaient auparavant… Ici, on fait en sorte de préparer au mieux le retour à l’activité. » De même, le club aide à la reconversion et, dans un chassé-croisé de générations, offre sa chance aux fraîches émoulues de son centre de formation. Hébergé au Palais des Sports, il couve un effectif de six joueuses mais une partie seulement d’entre elles basculeront en équipe première. Pour Julilove Andon, ce fut en soi un défi : « Je viens d’intégrer les pros, en plus d’être en réserve en N1, confie la jeune majeure, retenue pour sa » gamme de tir « . Ce qui veut dire plus de matchs, plus d’entraînements mais je tiens le coup. » Remontant à son arrière-grand-mère, meilleure joueuse de handball d’Afrique, son atavisme éclot dès 4 ans chez les baby-hand à Malakoff, avant de s’épanouir à Paris 92. « Il n’y a pas de rivalité avec les plus expérimentées, c’est la force du club, cette cohésion d’équipe », ajoute celle qui goûte ces échanges de pair à pair. « Après tout, on parle le même langage du handball. Ici, c’est comme une grande famille…»