MARIONNETTES ET OISEAUX

La Conférence des Oiseaux. © Irena Vodakova
Soutenu par le Département, le festival Marto lève le rideau sur sa 25e édition le 7 mars : huit scènes partenaires, treize spectacles et deux expositions jusqu’au 26 mars.
Avant Marto – un acronyme pour marionnettes et théâtre d’objet -, la marionnette était une poupée d’enfance. Un quart de siècle plus tard, son « domaine d’expertise » s’est largement étendu, du cocon douillet au frisson bizarre, et l’on trouvera dans l’édition 2025 de quoi réjouir les tout-petits qui ne sont jamais entrés dans une salle de spectacle, et passionner les adultes, connaisseurs ou curieux. Pour les premiers, le Temps des Cerises (Issy-les-Moulineaux) initie la petite enfance avec la découverte sensorielle de ZèbrO et le spectacle façon livre pop-up Lou(hou)p. Pour les seconds, et pour s’en tenir aux créations de la saison, Insomniaques s’intéresse à la Deuxième Guerre mondiale (Théâtre de Châtillon et Théâtre Koltès de l’Université Paris-Nanterre), Le Ring de Katharsy d’Alice Laloy à une sorte de « jeu vidéo artisanal » animé par les machines (Théâtre 71 de Malakoff), Richard III à un Shakespeare made in Japan (Châtillon). La palme de la merveille revenant en clôture à la rare Conférence des Oiseaux, conte soufi autrefois adapté par Jean-Claude Carrière pour Peter Brook, ici dans une fascinante réincarnation de bec et de plumes signée du Théâtre des Frères Forman (Espace Cirque d’Antony).
www.festivalmarto.com
AMOUR DE L’IMAGINAIRE

© DR
Il aura rarement été autant question de magie et d’illusion dans nos pages : notre époque aurait-elle besoin de chasser ses démons avec des merveilles ? L’exposition Magique !, jusqu’au 14 août au Musée de la Carte à jouer d’Issy-les-Moulineaux, s’adresse à tous les amoureux de l’imaginaire grâce à la collection d’objets uniques ayant appartenus aux grands illusionnistes constituée par Georges Proust, le créateur du musée de la Magie à Paris. De la femme-fleur poétique à la Zig-Zag Illusion qui la découpe en trois morceaux, truffé d’illusions d’optique, voici tout un univers d’animations, d’ateliers, de spectacles courts et d’escape games dans lequel on entre en famille – avec précaution, pour ne pas faire s’envoler le mystère.
www.issy.com
L’INCONNUE DE LA SEINE MUSICALE

Insula orchestra, dirigé par Laurence Equilbey, fête ses dix ans en 2025. © Irmeli Jung
Laurence Equilbey et le pianiste David Fray s’associent les 12 et 13 mars pour nous faire entendre une compositrice oubliée du XIXe siècle : Emilie Mayer.
Le programme de la saison anniversaire d’Insula orchestra et de ses invités comprend tous les grands noms de Mozart à Mendelssohn, et quelques autres. Avec la Grande Symphonie, sa neuvième et dernière, ce n’est pas le Schubert intime, chanteur de la mélancolie entre amis, que l’on entend mais l’immense bâtisseur d’un pont romantique et majestueux entre Beethoven et Schumann. Une œuvre de la « maturité » d’un compositeur mort à 31 ans à laquelle les instruments d’époque redonnent toute sa verdeur juvénile. Révélée ici l’an passé avec sa Symphonie n° 1, l’Allemande Emilie Mayer (1812-1883) a traversé le XIXe siècle, depuis Haydn jusqu’à Wagner. Une personnalité respectée et une compositrice particulièrement prolifique de la scène romantique allemande, jusqu’à ce qu’elle disparaisse inexplicablement des mémoires après sa mort – comme bon nombre de ses consœurs reléguées loin de la lumière par la société masculine d’alors. David Fray est le soliste de son Concerto pour piano, datant du milieu du siècle, sur un instrument ancien au plus près des couleurs sonores d’origine.
www.laseinemusicale.com
LES PRINCES DE SERENDIP

© Lucie Ponard
C’est le romancier qui laisse son personnage s’échapper du plan établi, le peintre attentif à la touche qui fera basculer l’horizon de sa toile, le compositeur à l’affût d’un dérèglement expressif de son rigoureux système : pour l’artiste, l’accident est une grâce. Or ce qui menace l’ingénieur industriel et nous inquiète au quotidien est une bénédiction pour le designer et l’artisan d’art, appelés comme le scientifique à « composer avec » : les techniques, les matériaux, l’environnement. L’exposition Aléas, pratique de l’adaptation, au Jardin des Métiers d’Art et du Design (JAD) du 12 mars au 3 août, met ainsi en scène l’inattendu fécond, tellement de notre époque qu’on lui a forgé un nom – sérendipité – venu de l’île de Serendip, l’ancien Sri Lanka, dont les princes, dit-on, découvraient par hasard et sagacité des choses qu’ils ne recherchaient pas…
le-jad.fr
ILLUSION COMIQUE

Le Paradoxe de Georges, de et avec Yann Frisch. © Christophe Raynaud de Lage
Entrer dans le camion-théâtre de Yann Frisch, c’est sortir de l’ordinaire et demeurer bouche bée devant un mirage d’où l’on ne revient jamais vraiment. À Suresnes, du 26 mars au 6 avril.
Le cheveu hirsute et le regard bleu céleste, Yann Frisch est un drôle de bonhomme. Dans le civil, vous pouvez le croiser en pull marinière dans un wagon de train, il vous entretiendra de la précision de son métier de clown illusionniste et de l’insaisissable magie de l’album de BD qu’il transporte ce jour-là pour tout bagage. Revêtu des artifices du comédien, c’est un dangereux manipulateur de réalité, un révolutionnaire du quotidien. Le Théâtre Jean-Vilar lui a fait garer hors les murs son camion-théâtre – une sorte de chapiteau cubique où l’espace intérieur semble illimité – pour nous entraîner, avec deux spectacles en alternance, dans la quatrième dimension. Le Paradoxe de Georges est un spectacle de « cartomagie » au plus près de lui et de ses prestes digitations : « les cartes vont valser, promet-il, se transformer, puis disparaître définitivement pour nous laisser avec cet étrange sentiment qu’on s’est laissé troubler et émouvoir par des morceaux de carton imprimé ». Quant à Personne, sa dernière création en date, il ne faut surtout rien en dire – de toute façon, on ne vous croira pas. Un spectacle de masques et d’accessoires, un théâtre d’illusion comique plus fort que chez Corneille, un doute philosophique plus puissant qu’avec Descartes ! Oh que l’on envie ceux qui ne connaissent pas encore…
LE SILENCE DES HALOS

Les Silences de la compagnie aKousthea. © Faye Formisano – Ludovic de Oliveira
Sous la direction du compositeur Alexandre Levy, la compagnie aKousthea imagine des installations immersives hors les murs de la salle de concert traditionnelle afin de s’adresser au plus grand nombre possible – et surtout à ceux qui seraient intimidés par le velours rouge et les préjugés sur la musique contemporaine. Le SeineLab invite ainsi aKousthea à installer ses Silence(s), paysages du vide en accès libre à La Seine Musicale, du 9 avril au 12 juillet (du mercredi au samedi après-midi). Plongés au cœur d’une scénographie en « réalité mixte », à la fois sensorielle et virtuelle, nous accompagnons une musicienne ayant perdu sa voix dans sa traversée des paysages du silence.
www.laseinemusicale.com
VAUT LE DÉTOUR !

La Seine à Nanterre, un des cinq itinéraires proposé par l’appli Détour. © Martin Argyroglo
Le CAUE 92 a conçu cinq itinéraires de visite accompagnés au smartphone sur le territoire des Hauts-de-Seine.
On ne soulignera jamais assez combien les smartphones munis de GPS ont révolutionné notre manière de visiter notre environnement. L’application Détour se présente comme les classiques du genre, chaque itinéraire étant identifié par un thème (architecture, paysage…), le type de mobilité possible (à pied, à vélo), la distance à parcourir, le temps qu’il faut y consacrer, le point de départ, l’itinéraire proprement dit. Références d’époque, anecdotes et jeux, capsules sonores donnent l’illusion d’avoir un guide inépuisable et savant pour soi seul, les pieds bien chaussés et les yeux grand ouverts. Les préoccupations de chaque itinéraire, entre quatre et sept kilomètres, (Clichy, du périphérique à la Seine ; La Seine à Nanterre : le fleuve entre industrie et paysage ; La Coulée verte de Fontenay-aux-Roses à Antony ; Sceaux, modernités 1950-1965 : architectures du logement ; La Défense, des dalles et des tours…) rejoignent celles du Département au sein de la Vallée de la Culture. Intégrés dans la collection Archipels franciliens signée des CAUE d’Île-de-France, ils tombent à pic au moment du Printemps de la Sculpture et de la fête des cerisiers en fleurs. Car tous les médecins vous le diront : il ne suffit pas de manger cinq fruits et légumes par jour, il faut marcher ses dix mille pas. Détour est l’assistant ludique d’une bonne et intelligente santé.
www.detour-promenades.fr
GUITARES DU MONDE

Goran Krivokapić. © Christian Palm
Organisées par la ville d’Antony sous la direction artistique de Francis Verba, les 32e Rencontres internationales de la Guitare se tiennent du 19 au 23 mars. La tradition sud-américaine est représentée par le groupe Recoveco du musicien vénézuélien Alexis Cárdenas, et une soirée d’hommage est dédiée au Nuevo Tango d’Astor Piazzolla. Le compositeur Leonardo Sánchez, Argentin et Français d’adoption, est également à l’honneur, avec la création de deux de ses pièces par de jeunes guitaristes des conservatoires d’Antony et de Paris-Saclay, tandis que Pulsación est au programme de la finale du Concours international. Le concert de clôture, traversant les styles du XIXe et du XXe siècle, est entre les mains du guitariste Goran Krivokapić, accompagné par l’Orchestre des forces armées d’Albanie.
www.ville-antony.fr
UN JOUR SUR LE TERRITOIRE DES MUSIQUES ACTUELLES

Nina Versyp, lauréate du Prix Chorus 2024. © Olivier Ravoire
Le samedi 29 mars, La Seine Musicale accueille les nouvelles générations d’artistes pour un Emergence Day/Prix Chorus sur scène et en public.
L’Emergence Day/Prix Chorus s’inscrit dans le contexte de report du Festival Chorus en raison des contraintes budgétaires qui touchent l’ensemble des collectivités locales. « Le volet dédié à l’émergence est un marqueur fort de l’ADN du festival Chorus, explique David Ambibard, responsable musiques actuelles au Département : c’est l’engagement de la collectivité, depuis quarante ans maintenant, sur le soutien aux artistes en devenir. Si l’on jette un œil dans le rétroviseur, le Tremplin de la chanson des Hauts-de-Seine est né en 1984, soit quatre ans avant Chorus qui a donc été créé à partir de ce concours de jeunes compositeurs auteurs interprètes. »
L’Emergence Day est un moment de fête et de rencontres avec le public. Entre 14 h et 23 h, sur la Petite Seine et au Riffx 1, les artistes émergents repérés monteront sur scène pour une quinzaine de concerts – la soirée se prolongeant jusqu’à 1 h du matin avec un DJ set en partenariat avec le Contours Festival de Clichy. Soit près de douze heures d’accueil du public – musique live, animations, happenings, exposition et restauration. Les deux principaux dispositifs et leurs lauréats sont au rendez-vous de cette journée de l’émergence. Évidemment le Prix Chorus dont on connaîtra les cinq groupes sélectionnés – sur près de neuf cents candidatures ! – au moment de la sortie du magazine. Et les quatre musiciens alto-séquanais du PAPA (Parcours d’Accompagnement à la Professionnalisation d’Artistes créé en 2015 par le Département) : chato b, Milla Leika, Morjane Ténéré et Sopycal. Il y aura trois moments de restitution et des ateliers pour la centaine d’amateurs du Focus hip-hop. Et deux projets de territoire : l’un accompagné par le Tamanoir de Gennevilliers et l’autre s’inscrivant dans le dispositif « Égalité femmes-hommes » du Département des Hauts-de-Seine.
Entre les candidats au Prix Chorus, révélateur de talents à l’échelon national depuis 2010, qui a vu émerger en 2022 Zaho de Sagazan, et ceux du PAPA issus des Hauts-de-Seine, la frontière est poreuse. La différence ne réside pas tant dans la qualité musicale que dans l’accompagnement plus ou moins structuré du projet professionnel. Les discussions au sein du jury sont, paraît-il, intenses entre la génération X et la génération Y, preuve que la matière est bien vivante. Rendez-vous le 29 mars à La Seine Musicale pour en juger.
D.L.
Emergence Day/Prix Chorus 2025, samedi 29 mars à partir de 14 h à La Seine Musicale. Gratuit. Réserver sa place sur hauts-de-seine.fr ou laseinemusicale.com à partir du 5 mars. chorus.hauts-de-seine.fr.
PRINTEMPS JAPONAIS

Fête du Hanami au Domaine départemental de Sceaux. CD92/Stephanie Gutierrez-Ortega
Comme chaque année désormais, le printemps prend chez nous aussi la couleur des pétales de cerisier. De la magie en blanc et rose.
Le rendez-vous est attendu dans le parc du domaine départemental de Sceaux entre le 29 mars et le 27 avril et la fête nippone s’étendra jusqu’au musée départemental Albert-Kahn, lequel avec son jardin japonais a de l’expérience en la matière. L’ensemble des activités, qui comprennent des concerts et des lectures, des ateliers tous publics et un spectacle inspiré du nô, relève de ce que les Japonais nomment Hanami – c’est à dire tout simplement « regarder les fleurs ». Celles-ci illumineront les sakuras (cerisiers d’ornement) des bosquets sud de la plaine de Châtenay, un point horticole et météorologique étant prévu chaque week-end pour en suivre au plus près la floraison. Les activités proposées semblent une invitation au voyage linguistique : raguko, manière japonaise du conte avec punchline ; puissants tambours taiko ; introduction à l’art de la calligraphie japonaise (shodo), de la confection des bouquets (ikebana) et du travail des plantes et des mousses (kokedama). Une exposition « sonore et participative » fait écho au Printemps de la Sculpture dans le grand salon du Château de Sceaux pour saluer Aurore, joie du renouveau. De quoi ensuite s’essayer à la composition de haïkus, ces brefs poèmes japonais qui font tinter des instants plus exacts que les autres, à la manière du maître Bashō au XVIIe siècle : « De quel arbre en fleur / je ne sais / mais quel parfum ! »