LA DÉFENSE : LE JAZZ AU-DELÀ DES FRONTIÈRES

CD92/Julia Brechler
Dernier événement musical de la saison culturelle départementale avant l’été, La Défense Jazz Festival accueille du 23 au 29 juin sur le parvis, la légende Herbie Hancock et une relève métissée. Et c’est gratuit !
Qu’est-ce que le jazz ? À cette question qui intéressait il y a encore une génération des spécialistes pointus – et quelques gardiens du temple – la musique a répondu d’elle-même en levant les barrières entre les genres, déverrouillant la tour d’ivoire désormais accessible à tous les publics et entretenue par une multitude de musiciens en mouvement. « Le jazz ne s’est pas arrêté en 1956, ni en 1970, affirme David Ambibard, responsable musiques actuelles au Département. C’est une musique de prise de risque, une expression de la liberté créatrice. Le credo du festival est de se faire l’écho d’un jazz totalement décomplexé – j’en parle souvent même au pluriel, tellement il prend de formes – quelque chose de très ouvert qui s’hybride d’année en année. »
L’improvisation le caractérise : c’est le seul domaine musical où elle tient autant ce rôle fondateur. Une improvisation qui n’est pas uniquement une prise de parole à travers un solo mais est intégrée au processus de création. L’autre drapeau historique du jazz flottait sur la culture américaine des standards, patrimoine du jazz. « À l’orée du XXIe siècle, et le concours a été un observatoire de cette évolution, on a bien senti que les musiciens de jazz pouvaient avoir dans leur culture musicale tous les grands marqueurs de l’histoire – Armstrong, Stan Getz, Miles, Coltrane, Parker… qui vous voulez – et que ces marqueurs-là cohabitaient avec Tupac Shakur, Big G, Lady Gaga, Madonna, The Cure, Depeche Mode… Cela imprègne leur inspiration, leur façon de concevoir et de composer la musique : les croisements se font en dehors de la famille, au-delà des frontières… »
FIGURES DE LÉGENDE
La tête d’affiche en clôture de l’édition 2025 pourrait bien symboliser cet esprit métissé : de retour au festival pour la troisième fois, Herbie Hancock est la dernière légende du jazz encore en activité. Révélé dans les années soixante par le quintet de Miles Davis, il n’a cessé de « ruer dans les brancards » du jazz, du clavier et des collaborations aventureuses. Il n’est pas le seul de cette édition où se produiront, pour la première fois à Paris La Défense, deux autres légendes : la chanteuse franco-béninoise Angélique Kidjo, et le joueur d’oud tunisien Dhafer Youssef – qui furent d’ailleurs compagnons de scène d’Herbie Hancock. L’esprit Jamaïque de Groundation, la Méditerranée de Dafné Kritharas, Manchester City pour GoGo Penguin, la Zambie de Sampa The Great ou la scène française de Roman Reidid x Paper Chase – lauréats du concours 2024 – élargissent la géographie d’une musique décidément universelle.
Didier Lamare
La Défense Jazz Festival, du 23 au 29 juin, sessions midi et soir en semaine, en soirée le week-end. Épreuves live du 48e Concours national de jazz à La Défense les 25 et 26 juin. Programmation complète et noms des six candidats sélectionnés pour le concours à partir de début juin sur le site : ladefensejazzfestival.hauts-de-seine.fr
COULEURS D’ORIENT

Porte d’un palais au Maroc. © Audrey Bonnet
Henri Regnault, le sabre et le pinceau : le musée des Avelines à Saint-Cloud présente jusqu’au 13 juillet les beautés orientales du peintre voyageur, mort à la bataille de Buzenval, et de son entourage.
Gageons que des deux outils mis en exergue par le titre de l’exposition, Henri Regnault (1843-1871) et tous les amateurs de peinture auraient préféré que la postérité ne retînt que le second après une longue carrière paisible. Encore que la paix intérieure ne semble pas avoir caractérisé l’un de « ces tempéraments indomptables, sensibles à l’éperon, rebelles au mors, qui se cabrent éperdument au milieu de l’art, échevelés… », ainsi que l’écrivait, comme n’écrivent plus les critiques d’art, Théophile Gautier. Hélas, le peintre voyageur n’est rentré de ses ateliers de Rome, Madrid, Grenade et Tanger que pour tomber sous la mitraille à la bataille de Buzenval, le 19 janvier 1871, membre honoraire de ce funèbre « Club des 27 » qui nous prive de l’avenir des artistes. Quiconque a visité le Musée d’Orsay se souvient de sa monumentale et sanglante Exécution sans jugement sous les rois maures de Grenade, où le pinceau et le sabre sont réunis dans une dramatique composition qui tout à la fois achève et fait revivre les Maures… Il y a chez Regnault, surtout dans les œuvres de petit format brûlantes de spontanéité, du Delacroix, du Géricault – voire un peu de Chateaubriand quand il imaginait le dernier des Abencérages.
www.musee-saintcloud.fr
ÉCRITURES DE VERRE

© Karine Faby
La 7e Biennale du verre au Musée d’art et d’histoire de Colombes invite le designer Jean-Baptiste Sibertin-Blanc à traverser tout l’été avec nous, comme la lumière traverse son travail « dans le verre », exposé jusqu’au 21 septembre. Formé à l’École Boulle et à l’École nationale supérieure de création industrielle à Paris, il est passé du bois au verre, notamment comme directeur de la création à la cristallerie Daum, avant de fonder son propre studio JBSB. Commissaire de la biennale cette année, il s’entoure d’œuvres d’une douzaine d’artistes, en écho à ses propres recherches autour d’un matériau qu’il pratique depuis plus de vingt ans, multipliant les dessins, les inventions techniques et ses écritures emblématiques en « lettres de verre ».
www.colombes.fr
ROMANTISME MERVEILLEUX

© DR
Temps fort de la saison anniversaire d’Insula orchestra : la mise en scène spectaculaire du Paradis et la Péri de Robert Schumann, du 14 au 17 mai.
L’œuvre conte l’épopée orientale d’une « péri » déchue (une fée en persan) qui, pour revenir au paradis, doit apporter au gardien des portes la plus précieuse des offrandes… qu’on ne révélera pas ici ! « Il y a une action dramatique, des aventures, un tyran assassin, des voyages en Inde, au Liban…, résume la directrice musicale Laurence Equilbey, donc de la matière pour créer un univers visuel. C’est une œuvre hybride qui gagne à être mise en scène. » Après Antonin Baudry pour La Nuit des Rois et Beethoven Wars, l’imagination au pouvoir est celle de la scénographe Daniela Kerck, qui assure la mise en scène, de la vidéaste Astrid Steiner et d’Andrea Schmidt-Futterer, « sculptrice » des costumes portés par la péri, chantée par la soprano Johanni van Oostrum, ou l’ange formidable incarné par le contre-ténor Brennan Hall. Pas de gros plans vidéo en direct, mais un véritable espace où déployer le romantisme merveilleux de la partition. « Le spectacle vivant doit apporter de la magie, créer des illusions, affirme Daniela Kerck, qui ajoute : Dans mon travail de mise en scène, je veux toujours semer un peu d’espoir. Nous vivons une époque déjà difficile, il est temps de ne plus se contenter de faire perdre au public ses illusions, mais de montrer de l’espérance et de la lumière. J’aime les histoires qui finissent bien… »
www.laseinemusicale.com
INSPIRATION VOYAGEUSE

© Francesca Mantovani – Gallimard
Dans sa mission d’ouverture à la littérature pour tous les publics, la Maison de Chateaubriand, au domaine départemental de la Vallée-aux-Loups à Châtenay-Malabry, inaugure un nouveau cycle de rencontres entre écrivains et lecteurs, sous la forme d’un café littéraire échappant à la solennité pour mieux transmettre le goût des mots et du voyage. Sous le parrainage de Pierre Assouline, qui interviendra à la rentrée, le cycle, animé par Marie-Madeleine Rigopoulos, journaliste littéraire, reçoit le dimanche 18 mai à 16 h « deux amoureux de la littérature et des voyages, tant géographiques qu’intérieurs » : Nicolas d’Estienne d’Orves (auteur entre autres du Dictionnaire amoureux de Paris) et Christophe Bigot (Un autre m’attend ailleurs).
vallee-aux-loups.hauts-de-seine.fr
DÉLICES DE SCEAUX

Fontaine à parfum, entre 1661 et 1722, monture en bronze ciselé et doré d’époque Louis-XV. © Philippe Fuzeau
Les dernières Grandes Heures de Sceaux de la saison célèbrent, parmi les fleurs, le parfum de l’art de vivre à la française au XVIIIe siècle.
Du vendredi 13 au dimanche 15 juin, nous nous sentirons bien – et fleurerons bon ! – au Château de Sceaux, musée départemental, pour ainsi dire submergés par le décor floral conçu spécialement pour ces Grandes Heures à vivre au gré des nombreuses activités. Parfums et senteurs / À plein nez, ce sont des spectacles olfactifs, des conférences pour réviser les clichés, des concerts aux effluves délicats, des ateliers en famille. Car, en dépit du fameux livre Le Parfum, le XVIIIe siècle n’était point aussi nauséabond que l’idée que nous nous en faisons ! Louis XIV déjà raffolait du parfum des orangers : « Il faut transporter les oranges autour des lits, écrivait en 1685 François-Savinien d’Alquié, en garnir les chambres, parsemer les alcôves de leurs fleurs, les fouler aux pieds, pour les mieux sentir, farcir des coussins de mille odeurs aromatiques… ». Parmi les chinoiseries de la duchesse du Maine, on admirera ainsi la fontaine à parfum au robinet en forme de grenouille. Le goût français change au siècle de Louis XV : s’évaporent les odeurs de musc et d’ambre, remplacées par celles du jasmin et de la lavande – tandis qu’à la fin du siècle, le duc de Penthièvre s’amourache au domaine de Sceaux des nouveaux savons au parfum de bergamote.
domaine-de-sceaux.hauts-de-seine.fr
DE LA PULSATION

Les Indes galantes – De la voix des âmes de Bintou Dembele. © Christophe Raynaud de Lage
Cela avait commencé en 2019 à l’Opéra de Paris : l’intrusion des codes de la danse hip-hop du XXIe siècle dans l’opéra baroque de Jean-Philippe Rameau, Les Indes Galantes (1735). La rencontre entre le chef Leonardo García Alarcón et la chorégraphe Bintou Dembélé se prolonge avec cette nouvelle vision de l’œuvre :
Les Indes Galantes – De la voix des âmes, en création à l’auditorium de La Seine Musicale les 21 et 22 mai. Servi avec la vivacité irrésistible du chef par les instruments d’époque de Cappella Meditaerranea, les voix du Chœur de chambre de Namur et les corps de la compagnie Rualité, ce concert chorégraphié accueille entre autres la soprano Julie Roset, révélation artiste lyrique aux Victoires de la musique classique 2025.
www.laseinemusicale.com
RITUELS IMAGINAIRES

© JC Carbonne
Reprise de la création du Ballet Preljocaj, Mythologies, pour 20 danseurs, sur la Grande Seine du 25 au 29 juin.
Production conjointe du Ballet Preljocaj et du Ballet de l’Opéra national de Bordeaux, Mythologie appartient à la veine des grands spectacles ensorceleurs du chorégraphe Angelin Preljocaj. La beauté poignante des émotions en mouvement, toutes ou presque fondées sur le fonds immémorial de la mythologie antique et qui cependant vibrent dans l’air du temps, a de quoi emporter chacun d’entre nous, fin connaisseur de l’art chorégraphique ou simple amateur de spectacle puissant – la musique symphonique originale étant signée Thomas Bangalter, ancien Daft Punk. À telle (rare) critique qui reprochait à Mythologies de faire à la fois « trop sens » et pas assez, il suffirait de citer le chorégraphe lui-même : « La danse, art de l’indicible par excellence, n’est-elle pas la plus à même de mettre à nu nos peurs, nos angoisses, et nos espoirs ? » Il reste quelques places pour vibrer ensemble à ces Mythologies grand public, baignées dans les lumières virtuoses, les costumes stylés et le son amplifié irréprochable de la grande salle de La Seine Musicale, équipement culturel décidément plein de ressources.
www.laseinemusicale.com
TOP 14 ET TOP 50

Le Racing 92 contre le RC Toulon lors de la dernière journée de qualification de la saison du Top 14. CD92/Olivier Ravoire
Depuis le début de l’année, Paris La Défense Arena – à la fois le stade officiel du Racing 92 et la plus grande salle de concert d’Europe – utilise la polyvalence de ses équipements pour proposer Racing Live, soit la rencontre entre le public du sport et celui des musiques amplifiées. 80 minutes de rugby suivies de 40 minutes de concert sur la pelouse encore fumante ! L’immersion spectaculaire au milieu des écrans gigantesques révèle des passerelles inattendues entre les supporters de rugby et les fans de musiques actuelles. Pour la dernière journée du Top 14, le week-end du 31 mai-1er juin, le Racing 92 reçoit Montpellier Hérault Rugby puis, en troisième mi-temps, le chanteur, rappeur et « Gentleman 2.0 » Dadju.
www.parisladefense-arena.com
PIKACHU CHEZ COLBERT

© DR
Pour une fois, impossible de dire que l’usage intensif de la console enferme les jeunes entre les murs de leur chambre et les isole de leurs contemporains ! Car le principe même de Pokémon GO – « jeu mobile en réalité augmentée où les joueurs capturent des Pokémon en explorant le monde réel » – est justement de se dérouler en plein air et de fédérer autour d’une chasse ludique et virtuelle des communautés de joueurs. On déambule, on cherche, on se croise, on collabore et on finit par créer des liens. Après Osaka au Japon et Jersey City aux États-Unis début juin, c’est désormais officiel, le Pokémon GO Fest 2025 fait son entrée tout en style au sein du Domaine départemental de Sceaux. Comme le dit le site des organisateurs : « Émerveillez-vous au sein de la Ville Lumière quand le Pokémon GO Fest contribuera, le temps d’un week-end, à sa beauté ». Le visuel est tout aussi inimitable, qui brasse dans un même panorama, également virtuel, notre château de Sceaux, la tour Eiffel et l’Arc de triomphe ! L’événement n’en est que plus ludique, les équipes de design travaillent sur la scénographie numérique des différents espaces où l’on attend, sur trois jours et six sessions, 60 000 personnes ! Et il se dit que, pour la première fois, le pokémon sauvage Volcanion pourrait faire une exceptionnelle apparition… La chasse est ouverte !