Progressivement confié à Paris 2024, le Stade départemental, qui sera inauguré le 19 mars, va renouer avec son destin olympique. Un projet écologique et un héritage pérenne pour les Alto-Séquanais.
Du 27 juillet au 9 août, en pleine quinzaine olympique, ce ne sont pas moins de 300 000 spectateurs – trois fois et demi la population colombienne – qui convergeront vers le Stade départemental, la clef de voûte du dispositif olympique dans les Hauts-de-Seine. Pour l’occasion, des caméras du monde entier seront braquées sur Yves-du-Manoir, siège désigné des épreuves de hockey sur gazon, un sport méconnu en France mais la deuxième audience télévisée des Jeux de Londres. Patiente, sa tribune historique, dernier témoin des olympiades de 1924 et de la Coupe du monde de football de 1938, endosse peu à peu son rôle de principal théâtre de cette grand-messe estivale. « Depuis le 5 février, elle est passée sous pavillon des autorités olympiques, explique Olivier Bilon, chargé de mission Jeux Olympiques et Paralympiques au Département. Celles-ci vont d’abord ériger une tribune temporaire en U, de manière à faire grimper sa jauge totale de 6 900 à 10 400 places. » En parallèle, équipée de spots au bord de sa toiture, la charpente centenaire de poutres rivetées sera préalablement renforcée, pour répondre aux normes bâtimentaires actuelles. Déjà dressés aux quatre coins de son nouveau terrain, les « plus hauts pylônes de France » pourvoiront au gros de l’éclairage, avec pas moins de 206 projecteurs LED par mât. « On s’est ainsi hissés au niveau des standards les plus exigeants imposés en Top 14 », explique Sébastien Beaucamp, chef du chantier pour le compte de la direction des Bâtiments au Département. Soucieux de pérenniser le site après l’effervescence olympique, le Département a anticipé les besoins à venir, alors qu’un retour du Racing 92 – Club des Hauts-de-Seine – est envisagé à Colombes.
En héritage des Jeux
Une même logique a présidé au choix des revêtements des deux terrains définitifs de hockey. Gourmandes en arrosage, les surfaces de jeu déployées par Paris 2024 seront réformées – à l’horizon 2027 – par l’introduction d’une nouvelle réglementation. En précurseur, le Département les remplacera dès la fin des épreuves par des moquettes innovantes et écologiques, ne nécessitant aucune aspersion d’eau potable. « Seule la forme des brins d’herbe va évoluer, précise Olivier Bilon, apportant d’autres sensations aux hockeyeurs, qui devront s’y adapter. Quant aux moquettes de Paris 2024, elles feront l’objet d’un don aux associations sportives du territoire national. » Préférée à l’entrée actuelle, une ouverture temporaire par le sud acheminera pendant les Jeux le visiteur droit sur le terrain d’honneur. Les allées en béton infiltrant auront été, entre temps, fleuries et arborées pour créer des poches végétales, formant un trait d’union entre le stade et la ville environnante. Leur dimensionnement a été calculé pour absorber les foules, « jusqu’à un flux maximal de 1 400 personnes par jour et en heures de pointe », précise Sébastien Beaucamp. Accessible depuis une placette ombragée par un alignement d’arbres conservés par le Département, le bâtiment-tribune de 1 000 places (aussi appelé « Bâtiment A ») constitue le principal héritage de cette rénovation olympique. Dessinant comme une ligne à l’horizon, il s’intercale entre le terrain d’honneur et celui d’entraînement de hockey, en paraphant la nouvelle identité architecturale du stade, qui obéit à un contraignant cahier des charges. « C’est un bâtiment porté par une grande ambition, explique Jacob Celnikier, l’architecte chargé de sa conception. Il vient réconcilier des besoins en apparence antagonistes : édifier un bâtiment à la fois dimensionné pour un événement international et pour un usage local quotidien, plus modeste en termes de notoriété. Le tout sur une parcelle inondable et dans le respect des délais imposés. »
Un bâtiment, quatre facettes
Achevé en à peine deux années, l’édifice labellisé « E3C1 » unifie des usages et des ambiances différenciés par l’usage massif du bois. L’emploi systématique de ce matériau, issu de forêts éco-gérées du Jura, a été dicté par l’ambition environnementale élevée pour cette construction « totem ». « L’impératif départemental de 50 % de construction bois a opportunément influencé la conception, avec un réel travail sur l’ingénierie de l’auvent, un défi architectural important du projet, détaille l’architecte. Qu’il soit placé en façade ou en intérieur, le bois connaîtra un vieillissement plus ou moins grisonnant, renforçant là où il est abrité une sensation d’intimité, de chaleur du foyer. » Une fois franchie la porte d’entrée, un hall à double étage se déploie tout en baies vitrées et distribue l’ensemble des accès. Conduisant au vaste promenoir de la tribune, un escalier blanc, à garde-corps plein, projette le regard au loin et livre son panorama sur le quartier, permettant de mesurer d’un coup d’œil l’étendue des 18 hectares entièrement remodelés. « La disposition des terrains, qu’ils soient olympiques ou pas, respecte désormais une orientation optimale, selon un axe Nord-Sud », précise Jacob Celnikier. Menant lui aussi au déambulatoire, un second escalier s’élève en révolution au bout d’un couloir en forme de loggia, d’où les parents pourront observer leur progéniture à l’entraînement, par le truchement de sa façade interstitielle et ses brise-soleils. « Les quatre façades, pointant aux quatre points cardinaux, poursuit l’architecte, sont autant de propositions adaptées à leur statut, à leur orientation et à leur fonction. » Cette façade, dite passive, se pare ainsi de panneaux en bois occultant les rayons lumineux, pour prémunir de tout « échauffement estival » ce bâtiment non climatisé. La face septentrionale, relativement fermée, est conçue pour faire écran au vrombissement du trafic autoroutier. Enfin, contrecarrant la course du soleil, la tribune regarde le terrain d’honneur à l’Est, en épargnant aux spectateurs l’éblouissement de la tombée du jour.
Trois clubs résidents
À partir du 25 mars, Paris 2024 fera disparaître poteaux et filets de sécurité entourant la pelouse, pour ériger une seconde tribune temporaire, portant à 4 500 places la capacité d’accueil du bâtiment A. Celui-ci est distancé d’une centaine de mètres du bâtiment B, plus modeste avec ses 300 places et conçu par Olgga Architectes. Sa forme étirée assure une présence visuelle à l’Est de la parcelle et laisse imaginer l’organisation de rencontres ouvertes au public par le Racing Club de France Rugby, un des trois clubs résidents au côté du Racing Club de France Football 92 et du Racing Club de France Hockey 92 Colombes. Résolument vertueuses, ces deux constructions revendiquent 50 % d’électricité produite sur site, grâce à 350 m² de panneaux solaires disposés en toiture, ainsi qu’une couverture à 50 % des consommations de chaud et de froid par des énergies renouvelables, au moyen d’une centrale à cogénération alimentée par de l’huile de colza. Par ailleurs, un système innovant permet de récupérer la chaleur des douches, dans les 1 000 m² de vestiaires de plain-pied, équipés dans le bâtiment A de bains froids, de salles de massage et d’élégants casiers en bois dessinés sur mesure ; « un niveau de qualité rarement atteint pour un bâtiment public », salue Jacob Celnikier. Pour répondre à la règlementation en vigueur et parer à l’inondabilité du site, les répercussions du bâti sur le cycle de l’eau ont fait l’objet d’une étude poussée, menée avec le concours d’un hydrogéologue. Grâce à un système de récupération et de recyclage des pluies en toiture, mais aussi sous les terrains au moyen de tuyaux drainants, le site est capable d’absorber l’équivalent de deux pluies décennales, s’abattant à deux semaines d’intervalle. En marge de la plaine de jeux ont été creusés trois bassins tampons, régulant eux aussi la gestion des eaux pluviales, grâce à des prairies humides flanquées de noues paysagères.
Des compétitions internationales
À terme, le stade est destiné à accueillir le siège de la Fédération française de hockey, le centre national d’entraînement des équipes de France – en complément des Creps Île-de-France et de Wattignies – et le comité départemental de hockey sur gazon. « Cet écosystème rassemblé va permettre d’inscrire Yves-du-Manoir dans une dynamique à la fois territoriale et internationale », se réjouit Isabelle Jouin, la présidente de la Fédération. Parce qu’il sera doté à terme de deux pelouses de hockey, là où ses équipements concurrents ne comptent généralement qu’un terrain orphelin, le site peut prétendre à l’accueil de compétitions de format européen. « C’est un lieu central en région parisienne, qui peut convaincre des nations comme la Belgique, les Pays-Bas ou l’Allemagne d’y jouer leurs matchs internationaux, puisqu’elles sont favorables à l’idée de réduire l’impact carbone de leurs déplacements », ajoute Isabelle Jouin. L’arrivée dans le stade du Racing Club de France Hockey 92 Colombes ouvre des perspectives encourageantes pour le développement d’une pratique encore émergente en France. « Nous espérons pouvoir tripler, voire quadrupler le nombre de nos licenciés, explique Laurent Fermaut, son président. L’objectif pour le centre de formation de Colombes reste d’égaler notre école historique de Versailles » d’où sont issus plusieurs titulaires de l’équipe de France.
L’édifice unifie des usages et des ambiances différenciés par l’usage massif du bois
Se réapproprier les lieux
« C’est avant tout le volet « héritage » des Jeux qui a guidé la définition du programme de rénovation et modernisation complète du site », rappelle plus globalement Olivier Bilon. Le Département, qui a contribué à hauteur de 87,4 M⇔ à ce projet structurant, entend en effet profiter des Jeux pour faire fructifier le potentiel populaire de ce fleuron des équipements sportifs du territoire. « Si Yves-du-Manoir est un lieu de référence pour le sport de haut niveau, nous avons également souhaité qu’il reste un équipement ouvert au plus grand nombre, à travers l’offre sportive diversifiée qu’il mettra à la disposition des habitants, explique le président du Département Georges Siffredi. Car le sport est un facteur tant de santé que de développement personnel, un vecteur de principes essentiels à la cohésion de notre société. » Jusqu’au 6 juillet prochain, les terrains de football et de rugby demeureront accessibles aux publics scolaires et aux associations sportives, comme ce fut le cas sans discontinuer durant toute la période du chantier. Sitôt la fièvre olympique retombée, le Stade départemental Yves-du-Manoir pourra commencer à retisser des liens forts avec la population des Hauts-de-Seine, invitée à se « réapproprier les lieux ». La parenthèse de mise à disposition exclusive du site pour les Jeux de Paris s’achève officiellement le 8 novembre
Nicolas Gomont